Son topic Nuit de oufff a fait partie de vos lectures favorites sur Club Poker pendant des années. excalidur est le dernier joueur à se prêter au jeu de notre interview Vegas et moi. Un bon client puisque ce spécialiste de cash game se rend sur le Strip jusqu'à six fois par an, et qu'il lui arrive même de rester plusieurs mois sur place.

Salut excalidur et merci d'avoir accepté de nous parler de l'amour que tu portes à Las Vegas. Histoire de te présenter un peu, rappelons que comme d'autres membres du forum qui ont participé à la rubrique, tu es chef d'entreprise avant d'être joueur de poker.
Oui, j'ai toujours entrepris. Je suis là dedans depuis l'âge de 18 ans, et même avant d'ailleurs. J'ai d'abord eu une chaîne de magasins de jeux vidéo, puis j'ai ouvert un restaurant en 2018. C'était prometteur, alors on en a ouvert quasiment une vingtaine en s'étendant dans plusieurs pays. Et puis le covid est passé par là et j'ai tout perdu. Ça m'a d'ailleurs incité à me remettre au grind.
Revenons un peu en arrière, bien avant cette mésaventure. Ton premier Vegas c'était quand ?
Au début des années 2000. À l'époque je connaissais à peine les règles du poker. Lors de mes premières parties au Caesars Palace, je gardais avec moi la carte sur la force des mains qu'on trouve dans certains paquets. Je la posais sur mon genou, sous la table, pour pouvoir jeter un œil dessus ni vu ni connu. Et malgré ça je suis reparti gagnant de mon séjour. C'est dire à quel point le niveau était faible à l'époque !
Tu y es retourné combien de fois depuis ?
Oh, depuis 2000 au moins une quarantaine de fois ! Avant j'y allais au moins deux ou trois fois par an. Il m'est même arrivé de faire six séjours lors d'une même année. Il y a aussi une fois où je suis resté quasiment un an sur place.
Durant ces 25 ans, quels sont les grands changements que tu retiens dans le fonctionnement de la ville ?
L'offre poker s'est énormément réduite. Et parallèlement, le niveau aux tables a lui beaucoup augmenté.
Et puis bien entendu, il y a ce problème plus général que d'autres ont soulevé avant moi : les prix ont littéralement explosé. Lors de mon dernier séjour, j'ai commandé deux croissants, deux cafés et deux bouteilles. La fille du comptoir m'a répondu "49 $ s'il vous plaît".
Côté poker tu joues principalement en cash game. Une poker room en particulier a ta préférence ?
Je suis plutôt cash game oui. Par contre je n'ai pas forcément de room favorite. Quand je suis sur le Strip, je tourne sans arrêt pour trouver une bonne table. J'ai bien une petite préférence pour l'Aria, mais je joue partout ou presque.
Compte tenu de ton profil, les World Series Of Poker ne constituent pas vraiment un critère au moment de choisir les dates de ton prochain séjour.
Non, et à dire vrai c'est même le contraire : je préfère me rendre à Vegas en dehors des WSOP. Aux tables de cash game, la proportion de fishs est beaucoup plus importante hors saison. Et puis les prix sont aussi plus abordables.
Parle-nous un peu de cash game justement. Quel est ton meilleur souvenir de joueur ?
C'était un matin, assez tôt. Je n'arrivais pas à dormir. J'ai donc décidé de me rendre à l'Aria, et quand je suis arrivé sur place il n'y avait qu'une 1-2 $. J'avais très envie de jouer donc je n'ai pas fait la fine bouche. En plus il y avait pas mal de beaux tapis à la table.
J'ai demandé si je pouvais caver à 1 000 $, mais on m'a répondu que c'était 200 $ max. Alors j'ai grindé, grindé et encore grindé. Et puis j'ai fini par me retrouver avec 10 000 $ devant moi. C'était à peu près autant qu'un autre mec qui me cherchait grave depuis une bonne demi-heure. Et évidemment on a fini par se rentrer dedans sur un coup où je l'ai mis à tapis à la turn.
On a décidé de run it twice, mais malheureusement pour lui j'ai fait max en haut et max en bas. Je me suis retrouvé avec 20 000 $ devant moi, tandis que lui n'a pu recaver qu'à 200. À partir de là il s'est mis à m'insulter de manière répétée, donc j'ai appelé le floor et il l'a fait se lever. Tout le monde était dégoûté à la table parce qu'un mec comme ça, tu tiens plutôt à le garder. Quand le floor m'a demandé mon avis, je lui ai donc dit que ça ne me dérangeait pas qu'il reste. Tous les joueurs ont même donné leur accord pour qu'il recave à 1 000 $.
Perso j'ai joué 30 minutes de plus avant de me lever. Je crois qu'il a continué à m'insulter par la suite, et si ça se trouve il est toujours en train.
Histoire de contrebalancer, donne nous aussi ton pire souvenir.
Ah le pire, c'est facile. Un jour je me suis fait tellement raser que je n'avais même plus de quoi payer l'hôtel. Je me suis fait envoyer de l'argent, mais avec le décalage horaire je n'ai pas eu d'autre choix que de passer la nuit dans un McDo. J'ai gardé mon ordi portable devant moi toute la nuit pour qu'on ne me prenne pas pour un SDF.
Ensuite pour aller chercher mon Western Union, j'ai dû marcher plus de deux heures. Je n'avais même pas assez d'argent sur moi pour payer un taxi. Mais quand j'ai fini par récupérer les 1 000 € qui m'avaient été envoyés, j'ai non seulement pu prendre un taxi pour le retour, mais j'ai aussi réussi à inverser la tendance pour de bon. Ces 1 000 € m'ont suffi pour rester quelques mois de plus à Vegas.

Difficile de résister au plaisir de te demander une autre anecdote.
Un été, pendant les WSOP, je me réveille un matin vers 8 ou 9h. Impossible de me rendormir, alors je prends mon téléphone et je constate qu'il y a un 10 000 $ PLO. Je suis un peu en retard alors je me dépêche : je me lève, je me douche, j'ouvre mon coffre et j'attrape une grosse poignée de dollars qui me semble amplement suffisante.
Malheureusement quand j'arrive au Rio, à mon passage en caisse on se rend compte qu'il manque 200 $. Du coup je regarde partout autour de moi avec l'espoir d'apercevoir un Français, mais je ne reconnais personne. Par contre je vois une table de black jack.
Je me dis que ça va être facile de faire 200 $. Je pose 200 mais je les perds. Pas question d'en rester là : je pose 400, mais je les perds encore. Et puis rebelote avec les 800 $ suivants. Bon, je vous épargne la suite, mais je finis par tout perdre à cause de ces fichus 200 $ manquants.
Je retourne donc à ma chambre pour plonger les mains dans mon coffre, sauf que cette fois-ci je prends le temps de compter. Et puis je retourne m'inscrire. Un choix pas vraiment gagnant puisque je me fais sortir quelques heures plus tard par Negreanu. Ce jour-là j'aurais mieux fait de rester au lit.
Encore une, Père Castor !
En juin 2022, je me retrouve broke. Mais alors complètement broke, hein ! À ce moment-là il ne me reste plus que ClubGG. C'est une plateforme sur laquelle tu ne joues pas d'argent, mais sur laquelle tu paies un abonnement de 50 € pour disputer des satellites avec plusieurs steps.
Je me laisse tenter par un satellite pour le Main Event. C'est une décision qui n'a pas beaucoup de sens parce que je n'ai même plus les sous pour me payer le billet d'avion et l'hôtel.
Finalement je gagne le ticket et avec un peu de débrouille, j'arrive à partir à Vegas. Quand je descends de l'avion, je n'ai que 400 $ sur moi. Une somme qui sera finalement suffisante pour ne pas rentrer en France pendant deux ans.
Tu voyages toujours en solo ?
Oui. Pour une raison simple qui est que tout le monde ne peut pas voyager comme il le souhaite. C'est difficile de trouver quelqu'un qui peut t'accompagner n'importe quand et sans contrainte.
La dernière fois que je suis parti à Vegas c'était l'été 2022, et je ne suis ensuite rentré en France que fin 2024. J'ai enchaîné Vegas, Colombie, Mexique, Argentine, Brésil, Cambodge, Thaïlande et Chine.
Tu aurais quelques conseils à partager au niveau des hôtels, des restos ou des spectacles ?
Au niveau des hôtels ma préférence va clairement à l'Aria. Pour manger malheureusement, ça se passe souvent à table en ce qui me concerne, même si j'aime bien le Orange Chicken de Panda Express. Et puis pour ce qui est des spectacles, ça dépend un peu de la période. Perso j'essaie de voir à peu près tout ce qui me fait envie.
Pour conclure, est-ce qu'il y a une grande rencontre que tu pourrais partager avec nous ?
J'ai joué avec plusieurs célébrités, mais je n'aime pas trop les déranger ni m'imposer. Je me souviens quand même d'une nuit entière passée à la table de Phil Laak. Je m'attendais à ce qu'il mette une ambiance de folie, mais il s'est avéré qu'il était extrêmement tight et très peu bavard. Je ne garde pas un grand souvenir de sa personnalité. Ce que je retiens surtout, c'est qu'à la fin je l'ai rasé.
@divinerites: la meilleure table en Alsace ne se situerait elle pas quelque part en périphérie de Strasbourg sans trop en dire ?
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