Salut DonReg ! On commence par les présentations : c'est quoi ton histoire avec le poker ?

J'ai commencé à jouer à la fin des années 80. À l époque, c'était du poker fermé à l'ancienne. J'étais étudiant à Paris, et j'étais très mauvais. Je perdais donc plutôt. Je jouais avec mon cousin et ses potes, qui étaient tous un peu plus âgés et déjà dans la vie active.

Un soir, un des gars a proposé de jouer à toute une série de variantes. C'était une totale découverte pour moi. Parmi ces variantes il y avait évidemment le No Limit Hold'em, mais aussi un truc qu'il appelait "La croix". C'est quelque chose qui m'a marqué. Il faut dire que les règles sont faites pour se cagouler : chaque joueur reçoit cinq cartes, et cinq autres sont posées sur la table en formant une croix. Les cartes de la croix sont révélées une à une dans le sens des aiguilles d'une montre, avec un tour de mise à chaque fois. Les joueurs doivent obtenir la meilleure combinaison de cinq cartes avec celles de leur main et celles d'une seule ligne, qu'elle soit horizontale ou verticale. Je payais jusqu'au bout en pensant toujours améliorer. J'ai perdu une tonne ce soir là, et ce fut ma dernière partie pour de nombreuses années.

Quand et comment es-tu revenu vers le poker ?

Le hold'em est devenu un hobby voire une passion beaucoup plus tard. Je dirais que ça a recommencé en 2006, comme pour beaucoup de joueurs, avec les diffusions du World Poker Tour commentées par Patrick Bruel et Denis Balbir sur Canal+.

Je me souviens avoir ouvert un compte sur Titan Poker. Au début je ne faisais que des freerolls. Mon premier gain a été d'environ 30 $, avec la victoire d'un de ces freerolls. C'était le 1^er janvier 2007. J'ai alors commencé à jouer en micro limite, puis j'ai quitté Titan et transféré ma bankroll de 150 ou 200 $ sur Winamax.com.

On faisait comment pour progresser à l'époque ?

Pour la technique, ce fut le DVD de Patrick et les Harrington 1, 2 et 3. Tout cela m'a permis de ne jamais rien déposer. En parallèle, en 2007, j'ai commencé à jouer avec quelques potes. Principalement des SnG à 10 € en partie privée. Et clairement, la lecture des Harrington suffisait à me donner un edge sur eux. Ce petit jeu a duré jusqu'en 2008, année durant laquelle j'ai appris l'existence des clubs de poker associatif. J'ai rejoint mon premier club, Marseille Hold'em. C'était un régal, lors de chaque tournoi, de cotoyer quelques bons joueurs. Même s'ils ne l'étaient pas tous évidemment !

Le club m'a permis de progresser plus rapidement. C'est aussi là-bas que j'ai fait la connaissance de salette. Et puis en ligne, ça a suivi naturellement. Fin 2008 ou début 2009, j'ai gagné un tournoi à 5 $ sur Winamax pour un butin de 1 500 $. Je me suis aussi mis à multiplier les rooms : Everest, PKR, PookerStars... Et puis j'ai commencé à jouer un peu en casino et à me frotter à de bons vieux livetards.

Mon profil aujourd'hui, c'est celui d'un joueur amateur de tournois de 150 à 1 100 € de buy-in. Un grand passionné, mais qui ne travaille pas assez son jeu. Ceci dit j'ai de bonnes excuses avec ma vie en dehors des tables : un boulot prenant, une épouse, deux enfants... Ils sont grands maintenant, mais quand même !

Venons en à ton premier Vegas. Quels souvenirs en gardes-tu ?

Mon premier Vegas c'était en 2013 pendant les WSOP, du 29 juin au 6 juillet. Je n'envisageais absolument pas d'y aller car je ne me trouvais pas assez compétent pour me frotter à ce que j'imaginais être la crème du poker. Et puis il fallait dépenser plusieurs milliers d'euros rien que pour l'avion et le logement. À l'époque, jouer dans les casinos locaux m'allait très bien même si Vegas me faisait rêver.

Je venais de créer un compte sur PMU Poker, dont la room ne datait que de quelques mois. Son pool de joueurs me semblait fishy par rapport à ceux de Winamax ou PokerStars, et puis il y avait aussi pas mal de satellites pour des événements live, dont certains organisés en partenariat avec le CP.

J'avais monté une petite bankroll sur PMU en partant de 20 €. Je devais avoir quelque chose comme 400 ou 500 € quand je suis tombé sur un satellite à 23 € pour un Super Sat à 215 €. Je n'ai pas résisté et j'ai décroché le ticket. L'enjeu du Super Sat faisait envie : un package d'une valeur de 4 000 € pour Vegas. Une vingtaine de joueurs étaient en course et c'était un Winner Takes All. Je vous épargne les détails, mais à la fin il ne restait plus que moi. On était au milieu de la nuit et j'avais gagné le package. Un sentiment incroyable. Je me souviens avoir réveillé ma femme. L'excitation était totale.

Et une fois sur place ?

Le package me permettait de jouer un 2 500 $. Il incluait aussi 1 100 € pour couvrir les frais du voyage, et sept nuits au Palazzo pour deux personnes. À l'époque, salette avait déjà un voyage à Vegas au compteur. Je lui ai proposé de m'accompagner dans la mesure où ça ne lui laissait que le vol à payer. Il m'a dit qu'il allait réfléchir. Il avait un peu de temps devant lui puisque le départ n'était prévu que plusieurs semaines plus tard. Finalement il m'a rappelé dix minutes après !

Je garde de ce séjour un souvenir incroyable. D'abord parce que l'équipe PMU Poker faisait les choses très bien, et ensuite parce qu'avec salette en organisateur on peut se laisser porter. J'étais comme un gosse à Disneyland ! Il y a tellement de possibilités de jouer dans d'excellentes conditions à toute heure du jour ou de la nuit. Globalement on en a pris plein les mirettes avec salette, on a savouré chaque instant. J'avais d'ailleurs partagé les moments forts du séjour avec un trip report sur Club Poker.

Et ce premier tournoi à 2 500 $ lors des WSOP ?

Il reste à ce jour le tournoi le plus cher que j'ai joué. C'est aussi un regret : je l'ai très mal joué. J'ai eu le sentiment de gâcher une formidable opportunité. Évidemment je n'étais pas assez aguerri, mais je m'en veux d'avoir pris ce tournoi à la légère et de ne pas avoir mesuré la réelle différence de jeu et de niveau.

On me souffle dans l'oreillette que tu t'es bien rattrapé au Golden Nugget.

C'était la même année, oui. Premier séjour à Vegas et première victoire en tournoi ! Les Grand Poker Series, qui sont l'un des festivals récurrents du casino, proposaient chaque jour un tournoi de variante à 230 $ et un NLHE à 135 $ avec des tapis de 12 000 jetons et des niveaux de 40 minutes. Avec salette on a décidé de jouer celui-ci. Il y avait 139 inscrits pour 13 payés.

J'ai atteint la table finale, puis j'ai sorti le 9^e et le 8^e. Pour ce dernier je m'en souviens assez bien parce que c'était un Brésilien qui avait son fan club dans le rail. Ses potes ne s'étaient pas rendus compte pendant le déroulement du board que mon tirage couleur était rentré. Ils continuaient de célébrer en criant et en sautant. Le Brésilien lui-même n'avait pas fait attention. J'ai dû lui faire remarquer qu'il était éliminé.

Après ça je me suis retrouvé chipleader et plusieurs joueurs sous la moyenne ont proposé un deal avec répartition à parts égales du prize pool restant. J'ai évidemment refusé. Je n'étais pas contre l'idée d'un deal, mais avec le deuxième nous avons proposé un calcul basé sur le chip count. On a arrêté de jouer en attendant que le directeur de tournoi revienne avec le résultat de ses calculs. Pendant ce temps, salette a lancé un calcul ICM et m'a conseillé de ne rien accepter sous 2 000 $ avec la victoire en prime. Quand le TD est revenu, il m'a annoncé 2 228 $ et j'ai accepté. Il était 3h du matin et j'étais très heureux d'être déclaré vainqueur.

Le staff nous a organisé des photos avec le stack et la main gagnante. Ils ont été vraiment sympas. Et puis le TD a inscrit mon nom sur le tableau des Grand Poker Series 2013. Nous sommes ensuite partis fêter ça au bar du Paris avec salette et Vincent, un Français expatrié au Mexique. On l'avait rencontré pendant le tournoi et il avait sauté à peu près en même temps que salette à la pré-bulle. Les deux avaient été très sports en me soutenant jusqu'au bout. Et je dois dire que sans salette, je n'aurais pas su si le deal était bon ou pas.

Je me souviens que j'étais vraiment sur un nuage. Premier Vegas et première victoire ! C'est aussi ça qui m'a permis de relativiser et de me remettre de la lose absolue de mon tournoi des WSOP.

Combien de fois es-tu retourné à Vegas depuis ?

J'y suis retourné trois fois en 2016, 2018 et 2022. À chaque fois, j'y suis resté une dizaine de jours. J'ai dû annuler 2020 comme tout le monde à cause du Covid, alors que le séjour était réservé. Et en 2021 rebelote, cette fois à cause du boulot.

Le problème avec Vegas, c'est que quand tu y es allé une fois tu ne penses plus qu'à y retourner. J'étais donc tombé d'accord avec mon épouse pour un voyage tous les deux ans. Ce n'est pas forcément simple pour elle de gérer tout le quotidien et nos deux enfants pendant dix jours. Je ne la remercierais jamais assez d'ailleurs !

À chaque fois j'y suis allé avec salette. Je ne concevais pas un Vegas sans lui. J'y serais bien retourné en 2024 mais cette fois ce sont mes problèmes de santé qui m'ont contraint de faire l'impasse. Je ne suis pas sûr de pouvoir y retourner un jour.

Comment était ton dernier séjour ?

Excellent, comme d'habitude ! Moins au niveau du poker parce que j'ai dû me contenter d'une place payée en carton sur un daily à 250 $ des WSOP, et que les tables de cash game ne m'ont pas permis de récupérer grand chose. Comme j'avais direct buy-in le Monster Stack à 1 500 $, mon bilan financier cette année là était dans le rouge d'environ 3 800 $.

Par contre, au niveau de tous les à-côtés c'était top. On s'est fait quelques très bons restos avec le bon pote Morgan qui connait plein de bonnes adresses pour ça : des tacos authentiques, un phô de feu, un grill brésilien à s'éclater la panse... Et puis avec salette, on logeait au Bally's donc c'était hyper pratique pour les tournois des WSOP.

Quels sont les grands changements de la ville qui t'ont marqué entre tes premier et dernier séjours ?

Franchement, le plus marquant ce sont les tarifs : ils se sont envolés ! Entre le milieu des années 2010 et 2022, la différence est hallucinante. Autant en 2013 on avait l'impression que le logement et la nourriture étaient très abordables, autant en 2022 j'ai constaté une inflation incroyable à tous les points de vue. Y compris au niveau des outlets d'ailleurs : si je mets de côté Levi's, ils n'ont quasiment plus aucun intérêt. C'est d'autant plus dommage que lors de chaque séjour, j'avais une longue liste de trucs à ramener pour la famille. On me laisse partir serein mais il y a une contrepartie !

Tu as touché très brièvement un mot du cash game.

Oui, lors de mes séjours à Vegas les tournois restent l'objectif principal. On utilise pour ça le désormais fameux calendrier de salette. D'ailleurs, pour la petite histoire, la première fois qu'il l'a fait c'était juste pour nous deux, en 2013. On l'a utilisé pour définir notre programme du séjour. Et puis de fil en aiguille, il a élargi la période et s'est mis à le publier sur le CP.

Les tables de cash game, c'est plutôt quand je saute d'un tournoi ou si je n'ai pas envie d'enchaîner après une overdose de bad run.

Quelles sont tes poker rooms favorites ?

Pour le cash game, c'était le Flamingo. Pas pour le confort, la propreté ou l'environnement, mais vraiment pour l'ambiance et les croupiers. On y a des souvenirs mémorables avec salette. Et puis il faut dire aussi que le niveau général était intéressant pour se faire des dollars. Depuis sa fermeture, je dirais que ma préférée est celle du Caesars Palace.

Et pour les tournois, les WSOP restent la référence donc c'était le Rio dans le temps et désormais le Bally's et le Paris. Le Venetian est très bien aussi. À l'Aria, l'organisation est pro et les jetons superbes, mais l'expérience est un peu dégradée par l'emplacement et le bruit.

Las Vegas pour toi, c'est donc exclusivement pendant les WSOP ?

Oui, je n'y suis allé que pendant les WSOP. Quitte à faire ce long voyage et à négocier avec la famille, autant que ce soit pendant la période où Vegas devient le centre du monde du poker.

Tu as une autre anecdote marquante en stock, que ce soit à une table de poker ou en dehors ?

En 2013, le In'N'Out du Strip n'existait pas encore. Avec salette, on voulait absolument tester cette chaîne qui avait la réputation de servir les meilleurs burgers de l'univers fast-food. Le valet du Palazzo nous a conseillé d'aller à celui de Safari Road, ce qui nécessitait de prendre le taxi. Il nous a aussi recommandé de garder ce dernier le temps de commander, et de rentrer à l'hôtel avec notre menu. Il faut dire que ce n'était pas forcément le coin le plus safe de Vegas, qu'il était compliqué de trouver des taxis dans le coin, et puis qu'Uber n'existait pas encore. Au final on a payé plus cher le taxi que la bouffe. Le In'N'Out le plus cher de l'Histoire !

Si tu ne devais séjourner que dans un seul hôtel ?

Le Wynn sans hésitation. On y a passé le séjour de 2016 et c'était absolument parfait ! C'est ma femme qui nous avait trouvé une offre sur Voyage Privé, ou un truc du genre. On avait dû payer 1600 € par personne pour le vol et les 8 ou 9 nuits, avec en prime le petit déjeuner au buffet du Wynn. Et alors ça, c'est la folie ! Surtout si on y va en fin de petit déj ou en début de lunch.

Un resto à conseiller absolument aux autres membres de Club Poker ?

Niveau resto je dirais que le Texas de Brazil, qui est un resto de viande brésilien, est vraiment un bon rapport qualité prix. De mémoire, même en 2022 c'était 70 $ pour un All You Can Eat.

Pour un tacos authentique et abordable, il y a la chaîne Tacos El Gordo qui est vraiment bien.

Sinon c'est standard, mais j'ai un faible pour le Grand Lux Café qui sert des plats de qualité constante et copieux. On peut aussi manger à la table de poker dans de bonnes conditions.

Une visite à ajouter ?

Je ne connais pas la Sphère, mais tout le monde me dit que c'est à visiter absolument. Et pour moi qui ai passé pas mal de cours à jouer au flipper et aux jeux vidéo à coté de mon lycée, je dirais que le Pinball Hall of Fame est un must.

Vegas pour toi, c'est donc plutôt entre potes qu'en famille.

Vegas pour moi, c'est avant tout avec salette ! Pas en famille car le but est de passer le plus de temps possible aux tables, et ça créerait inévitablement des tensions. Et puis de toute façon, je ne ferai jamais mettre un pied à Vegas à ma femme : elle trouve que c'est une hérésie écologique. Elle n'a pas tout à fait tort d'ailleurs.

Est-ce qu'il y a une grande rencontre qui t'a marqué sur place ? Une star du circuit, un membre de Club Poker, un random texan...

La rencontre qui m'a marqué, c'est un croupier du Flamingo que j'ai retrouvé ensuite au Caesars Palace en 2022. Il avait été obligé de changer suite à la fermeture de la poker room du Flamingo. Il s'appelle Pervies. Un mec hyper gentil et ultra compétent, qui se rappelait de nous et qui avait toujours un mot sympa quand on le retrouvait.

La dernière question est obligatoire, mais dans ton cas on a déjà une petite idée de la réponse : est-ce que tu fréquentes certains membres du CP en dehors de tes pélerinages à Vegas ?

Bon bien sûr, vous l'aurez compris : salette est devenu depuis toutes ces années un véritable ami. Il y aussi Morgan alias ganmor13008 sur le CP.

Merci DonReg d'avoir pris le temps de nous parler un peu de ton expérience de Vegas. On en profite pour te souhaiter de très bonnes fêtes de fin d'année en famille, et pour te rappeler qu'il y a beaucoup de monde qui pense à toi en ce moment sur Club Poker.