Vendredi dernier, le Department of Justice américain inculpait 11 magnats du poker en ligne, principalement sous les chefs d'accusation de fraude bancaire, organisation illégale de jeux d'argent et blanchiment d'argent. Trois des géants du secteur (PokerStars, FullTiltPoker et AbsolutePoker) étant concernés, la planète poker se retrouvait en état de choc face à des dizaines de questions sans réponse. Trois jours plus tard, la situation s'éclaircit à peine.
- Rappel des faits
Dans la nuit de vendredi à samedi, l'accès aux trois sites concernés était fermé à des millions d'internautes américains. Dans la foulée, les autorités activaient leurs recherches en vue d'appréhender les 11 suspects (Isaï Scheinberg pour PokerStars ; Raymond Bitar et Nelson Burtnick pour Full Tilt ; Scott Tom pour Absolute ; ainsi que Brent Beckley, Paul Tate, Ryan Lang, Bradley Franzen, Ira Rubin, Chad Elie, John Campos) et 75 comptes bancaires étaient gelés.
Que leur reproche-t-on ? Notamment d'avoir utilisé des moyens détournés (par exemple la création de faux sites marchands) pour tromper les banques américaines et permettre aux joueurs de déposer sur leurs plateformes de jeu. Pour rappel, l'Unlawful Internet Gambling Enforcement Act (UIGEA), une loi promulguée en 2006, empêche en effet les établissements bancaires d'alimenter des comptes sur des sociétés de jeux en ligne implantées en dehors du territoire national.
Quelques heures après que le scandale ait éclaté, plusieurs dépêches présentaient Daniel Tzvetkoff comme l'homme à son origine. Arrêté l'an dernier pour avoir facilité le transit de millions de dollars entres joueurs américains et salles de poker en ligne, principalement par la mise en place de sociétés offshore, ce jeune entrepreneur australien aurait en effet été libéré sous caution en échange de la divulgation des précieuses informations dont il disposait.
- Les conséquences pour les accusés
Parmi les 11 personnes recherchées, trois ont d'ores et déjà été interpellées : Chad Elie et John Campos, puis plus tard Bradley Franzen. Il s'agissait des trois seuls résidents américains de la liste. Quant aux autres, les autorités américaines ont requis la collaboration d'Interpol et des gouvernements étrangers pour parvenir à les appréhender.
Ces onze individus, parmi lesquels on trouve notamment Isaï Scheinberg et Raymond Bitar, soit les numéros un respectifs de PokerStars et Full Tilt Poker, encourent une peine cumulée de 55 ans d'emprisonnement. En effet, l'une des spécificités du régime pénal états-unien est d'autoriser le cumul des peines d'emprisonnement pour différents chefs d'accusation, en l'occurrence 30 ans pour fraude fiscale, 20 ans pour blanchiment d'argent et 5 ans pour organisation illégale de jeux d'argent.
Les onze inculpés sont également sous le coup d'une potentielle amende de 7,5 milliards de dollars. C'est du reste avec le souci de réparer ce préjudice financier que 75 comptes bancaires ont d'ores et déjà été gelés par les autorités américaines.
- Les conséquences pour les rooms
Les premiers impacts se sont bien évidemment déjà traduits dans les faits :
- PokerStars et Full Tilt Poker ont déplacé leurs plateformes de jeu, respectivement sur PokerStars.eu et FullTiltPoker.co.uk ;
- en abandonnant le marché américain, les deux géants pourraient perdre une part très importante de leur base de clients, le chiffre de 25 à 40 % étant avancé par certains observateurs ;
- conséquence logique : PokerStars a d'ores et déjà annoncé la réduction de certains de ses prize pools garantis ;
- les alliances contractées par les deux opérateurs sur le marché américain ont été résiliées. Tel est par exemple le cas de l'accord de partenariat signé le mois dernier par PokerStars et Wynn Resorts, auquel il a été mis un terme de facto.
Par ailleurs, la viabilité à moyen terme de Full Tilt et Absolute Poker est mise en doute par un certain nombre d'observateurs. Alexandre Dreyfus, PDG de Chiligaming, a par exemple déclaré sur son blog que ces derniers étaient "littéralement morts à [ses] yeux". De l'avis général, PokerStars serait mieux armé pour surmonter cette crise.
- Les conséquences pour le circuit
Là encore, les premières retombées sont d'ores et déjà palpables :
- les Onyx Cup Series de Full Tilt Poker ont été annulés, avant même la tenue de la première étape à Las Vegas le mois prochain ;
- des inquiétudes planent sur l'affluence des prochains World Series of Poker. Une proportion importante des participants du main event tionnellement des qualifiés en ligne, dont une part estimée à 40 % via PokerStars et Full Tilt Poker. Tom Dwan s'est par exemple risqué sur Twitter au pronostic de 5 144 entrants lors du prochain main event (contre 7 319 en 2010). Ces inquiétudes concernent plus largement l'ensemble du circuit live, et en particulier les étapes nord-américaines du World Poker Tour ;
Au-delà, la crise traversée par PokerStars et Full Tilt Poker entraînera indirectement des conséquences pour la plupart des acteurs du poker sur le plan mondial. Nul n'ignore en effet que l'activité des deux mastodontes rejaillissaient sur plusieurs pans du secteur : budgets publicitaires, shows télévisés, médias spécialisés...
- Les conséquences pour les joueurs américains
Dès les premiers instants qui ont suivi la révélation de l'affaire, un vent de panique a soufflé sur la Toile et des milliers de joueurs américains ont entrepris de retirer leurs fonds de PokerStars et Full Tilt. Un grand nombre ont rencontré des difficultés, même si elles semblent au moins en partie imputables à l'afflux massif de demandes dans un laps de temps très court.
Les opérateurs se sont quant à eux voulus rassurants, à l'exception des responsables d'Absolute Poker qui, depuis vendredi, semblent s'être murés dans le silence. Tour à tour, Full Tilt et PokerStars ont ainsi diffusé des communiqués assurant que leurs activités en dehors des frontières américaines perdureraient et, surtout, que les fonds des joueurs étaient en sécurité et que les paiements seraient honorés.
Les processus de paiement pourraient cependant prendre du temps. Dans une affaire similaire de blanchiment d'argent qui en 2007 avait frappé Neteller, l'organisme et les autorités américaines avaient conclu un accord permettant le paiement de tous les clients, mais plusieurs semaines seulement après le lancement des poursuites.
Parallèlement, des figures reconnues du poker en ligne comme Tom Dwan ou Phil Galfond ont tenté de rassurer les joueurs, s'engageant symboliquement à garantir d'éventuelles carences à hauteur d'un million de dollars sur leurs deniers personnels.
Quant aux joueurs sponsorisés, précisément, un ordre nouveau pourrait voir le jour dans les prochaines semaines. Certains membres des teams pro de PokerStars et Full Tilt ont pour seul marché cible le continent américain. Certains contrats pourraient sans nul doute se voir remis en cause à court terme.
- Les conséquences pour les joueurs français
En France, les deux opérateurs ont également diffusé des communiqués avec la volonté de rassurer leurs clients. PokerStars.fr a assuré que "les joueurs français ne [seraient] pas impactés", "le marché régulé du .fr [étant] indépendant de ce qui se passe aux Etats-Unis". Full Tilt Poker a plus tard garanti que les fonds des joueurs français étaient "en totale sécurité".
Si ces prises de position ne sont pas surprenantes de la part des principaux concernés, les dispositions de sauvegarde prévues dans le cahier des charges de l'ARJEL semblent devoir confirmer une certaine sécurité pour les clients de l'Hexagone. Concurrent de PokerStars et Full Tilt, Alexandre Dreyfus a également tenu à rassurer les joueurs du .fr en soulignant que ces derniers n'avaient "aucune raison de s'inquiéter" pour leurs fonds.
En revanche, il va de soi que la crise traversée par les deux sites de poker en ligne ne sera pas sans effet sur le marché français, la bonne santé et les projets des filiales hexagonales étant intimement liés à ceux des maisons-mères.
- Et maintenant ?
Si le rôle d'un média n'est pas de lire dans le marc de café, plusieurs tendances lourdes semblent devoir se dégager à moyen terme. Sur le marché américain, d'abord, va s'opérer une véritable redistribution des cartes. Alors que les incertitudes planent toujours quant à une future régulation, bwin.party et Zynga paraissent désormais les mieux placés dans l'éventualité où le législateur états-unien passait à la vitesse supérieure.
Bien entendu, les autres opérateurs vont également tenter de s'engouffrer dans la brèche béante que laisse derrière lui le Black Friday. Titan et Chilipoker ont dégainé les premiers. Dans la nuit, Chili dévoilait une lourde campagne promotionnelle intitulée Purple Day, une référence à peine voilée aux mésaventures rencontrées par deux de ses principaux concurrents.
Certains y verront un opportunisme déplacé, d'autres salueront une réactivité impressionnante et rappelleront qu'en leur temps, PokerStars et Full Tilt avaient également su saisir la balle au bond dans des circonstances similaires. En 2006, de l'UIGEA et du retrait de PartyPoker du marché US naissaient les géants que sont aujourd'hui les deux opérateurs. Aujourd'hui, le Black Friday résonnerait presque comme un facétieux clin d'oeil du destin.
PI j'ai redemandé hier un cashout 500$ par neteller, à voir quand je serai approved si je le suis.
Je m'attends à un délai d'un mois si ça se fait (ce que j'ai expérimenté jusqu'à présent).
A noter aussi qu'on n'a plus de popup parlant de la situation etc ... lors de la connection à AP.
Pour autant le réseau ressemble à Fukushima après le tsunami (y a juste plus personne dessus).
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