Du robot à l'homme :

Une fois les automatismes techniques acquis, commence le vrai métier de croupier, celui dont tout le travail repose sur ses qualités humaines et relationnelles.

Si le mélange et la distribution s'acquièrent vite avec un peu d'entraînement, la partie technique dépasse largement cette seule aptitude manuelle. Outre un deal précis, esthétique et rapide ; outre la parfaite connaissance des règles et de leur champ d'application, un bon croupier connaît le montant exact du pot à tout instant ; anticipe sur les différents calculs qu'il devra éventuellement faire (rendu de monnaie, création de pots extérieurs, etc.) ; évalue et retient la profondeur approximative de chaque tapis pour pallier la tricherie par descente/montée de jetons ; sera capable de reconstituer entièrement un coup (qui, quoi, combien, quand ?) en cas de besoin ; anticipe les situations où un cas particulier peut se présenter et engage l'action dictée par la règle si elle risque d'être bafouée par méconnaissance générale, analyse le déroulement et évalue la régularité de chaque coup majeur pour détecter d'éventuelles connivences...

Bref ! Il a des yeux, des oreilles et un cerveau partout et à tout moment pour garantir rapidité, intégrité et équité. Ces automatismes sont nombreux et leur acquisition ne se fait pas en un jour.

Mais avec l'expérience, un bon croupier développe une telle vitesse de lecture et d'analyse qu'il sera capable d'anticiper l'action de n'importe quel joueur dans 80% des cas. Lorsqu'on est passionné par le jeu, être croupier ne présente pas qu'un avantage bassement alimentaire.

C'est sans doute le rôle le plus vaste et le plus difficile à définir. Animer signifie « donner une âme, la vie ». Jolie notion non ? C'est là que se joue toute la partie super sympa de ce job, à mon humble avis.

Une fois encore, c'est l'esprit d'analyse du croupier qui va être sollicité. Sentir la tendance de la table et savoir adopter une attitude en conséquence. Transmettre sa bonne humeur à une table triste, son calme à des excités, maintenir un rythme attrayant précédemment instauré, favoriser les échanges courtois... Au fond, l'animateur est celui qui est capable de façonner, en quelques minutes, une table-face pour le respect du plaisir de chacun. Il insuffle l'âme du divertissement (ou de la rentabilité). Et même si le croupier est seul maître à bord, ce seront toujours les joueurs qui donneront le ton. Il adaptera l'animation aux exigences de la table ; professionnels, amateurs et occasionnels n'ont pas tous les mêmes attentes.

Comme tout métier de contact direct et permanent avec la clientèle, le croupier est fréquemment confronté à des situations particulières et quelquefois délicates. Face à un joueur très affecté par un coup par exemple, il choisira en général d'atténuer légèrement la portée d'une règle ou d'une remarque si cela ne désavantage aucun autre joueur. Faire preuve d'un peu d'empathie et ménager quelqu'un ne peuvent nuire. (Sous réserve bien sûr que le comportement adverse ne soit pas volontairement déplacé).

Son sens de l'observation sera également mis à contribution pour assurer le relationship. Le croupier remarquera par exemple que le « petit éléphant » (card guard) préfère que son tapis soit constitué d'une multitude de petits jetons plutôt que de quelques gros. Il n'hésitera donc pas à profiter qu'un joueur réfléchisse pour faire de la monnaie au « petit éléphant » sur le pot qui, à cet instant, en contient trop. Le client est sensible à la somme de tous ces petits gestes d'attention.

Au fond, le croupier joue une partie parallèle : il est confronté à une situation humaine, il analyse rapidement l'EV de chacun des choix qui s'offrent à lui et tranche pour celui qui servira au mieux les intérêts du client, de la maison et par conséquent de lui-même. Mieux il joue, plus il gagne. À terme, la rémunération d'un croupier est proportionnelle au niveau de sa prestation.

Bonne présentation, éloquence, aisance en calcul mental, vivacité et esprit d'équipe évidemment.

Mais si vous pouvez rajouter à cela quelques qualités comme la patience, la souplesse de caractère, la capacité de remise en question, l'humour et le respect de la hiérarchie, alors vous partez du bon pied.

C'est un métier où nos capacités cérébrales et nerveuses sont très sollicitées, en particulier lorsqu'on débute. Beaucoup d'informations nous parviennent simultanément et tant que certains automatismes ne sont pas acquis, nous pouvons commettre des erreurs. Sur cette période d'apprentissage, notre ego est souvent secoué par certains joueurs. Il faut être capable de le mettre de côté pour tirer tout l'enseignement de la leçon.

Un bon croupier a le respect et la confiance des joueurs, il ne doit pas se tromper. (Rappelons quand même qu'une faute est une action contraire à la règle qui désavantage clairement un client. Donc, un misdeal n'en est pas une, il est juste la conséquence d'une carte mutine, ça arrive).

Compétences à développer :

Connaissance et assurance, vitesse et précision, observation et anticipation, fermeté et réserve, écoute et analyse. Un bon croupier aura atteint un niveau de compétences suffisant pour assurer pleinement chacun de ses rôles techniques et relationnels.

Le rythme de vie :

Travail en horaires décalés et forte exposition au rayon « émotions » en font un métier très marginalisant qui, de fait, ne peut convenir à toutes les personnalités. Travailler la nuit est contre-nature, travailler les week-ends et fériés est antisocial, là sont ses principales et non-négligeables contraintes. Leur fréquence dépend de l'effectif total mais en général, et quelle que soit l'organisation interne, un croupier a, en moyenne, moins d'un week-end libre par mois.

Dans ce milieu en particulier, la clientèle est soumise à de fortes tensions qui sont quelquefois répercutées sur le croupier. C'est une source de fatigue supplémentaire que quelqu'un de calme (ou humble) surmontera plus facilement que quelqu'un de « sanguin ». Si vous êtes de nature nerveuse et réactive, réfléchissez à deux fois, ce métier pourrait s'avérer pour vous très contraignant (à moins que vous ne désiriez une mise à l'épreuve à visée thérapeutique).

Tenue et attitude :

Tous les établissements uniformisent la tenue de leur personnel. Si elle requiert des accessoires ou des vêtements de couleur précise, ils sont fournis par l'employeur. Dans le cas plus courant des chemises blanches et des jupes ou pantalon noir, ils sont à la charge du croupier. Toutes les poches devront être cousues avant le premier service. Un croupier n'a pas de poches.

Bien sûr, chacun est responsable de l'entretien et du blanchissage de son uniforme.

Quant à l'attitude, dresser la liste exhaustive des interdits serait long et fastidieux, il suffit de comprendre qu'elle doit obligatoirement répondre à deux critères principaux : neutralité et discrétion. Le croupier est un personnage toujours neutre dans l'exercice de ses fonctions. Il ne prendra jamais parti sur un coup, de même qu'il ne dira rien qui puisse être interprété comme tel, il ne regardera pas les cartes muckées et ne se permettra jamais aucun commentaire. Il ne tutoiera pas un joueur ni même ne serrera la main de l'un d'eux parce que c'est une connaissance. Il sera discret dans les espaces ouverts à la clientèle, s'assurera de la parfaite tenue de son uniforme, ne portera aucun signe distinctif, ne fera rien qui puisse attirer l'attention (il serait superflu de préciser qu'une hygiène corporelle irréprochable est de rigueur).

En bref, le croupier doit répondre à l'exigence de la transparence. Neutre et discret, il est là pour être physiquement oublié !

Deal et jeu :

La limite du « droit de jouer » est fixée par chaque établissement ou groupe selon sa politique interne, elle n'est donc pas clairement définie. Dans les grandes lignes, vous n'aurez pas le droit de jouer dans un casino de votre groupe et pour la plupart des autres établissements le rayon d'interdiction portera à 150km. La raison est simple : jouer contre ceux que l'on sert tous les jours n'est pas éthique. Un croupier deale trois cent coups par jour en moyenne, il a donc une connaissance des joueurs qu'eux n'ont pas de lui. Le combat serait déloyal.

Cet aspect peut constituer un obstacle mais il faut savoir que si on choisit de dealer alors on accepte que le jeu en ligne devienne souvent la seule alternative pour jouer.