Une des premières choses à apprendre lorsqu'on se met sérieusement au poker est de savoir quelles mains de départ jouer et quelles mains coucher. S'il est évident qu'on doit jouer une paire d'as, qu'en est-il de l'action optimale lorsqu'on reçoit une main comme sept et huit assortis, ou valet et dame dépareillés ?
Pourquoi ne pas jouer toutes les mains ?
Depuis que le Texas Hold'Em existe, des dizaines de milliards de mains ont été distribuées (la majeure partie online) et les 22100 flops différents* ont déjà été dévoilés des milliers de fois chacun. Parmi eux,
. Est-ce que, pour autant, il faut jouer
? Certainement pas. Pourquoi, me direz-vous, rater l'occasion de gagner beaucoup d'argent lorsque le précédent flop apparaîtra ?
Pour gagner au poker, il faut faire moins d'erreurs que vos adversaires, ou des erreurs qui vous coûtent moins cher que les leurs ne leur coûtent, et essayer d'agir de la manière la plus rentable. S'il ne faut pas jouer
, c'est parce que ce n'est pas rentable. En effet, à chaque fois que vous suivrez preflop avec cette main, il vous en coûtera une grosse blind, en admettant que le pot ne soit pas relancé. Et, même en imaginant que toutes les fois où le fameux flop évoqué plus haut apparaîtra (une fois sur mille) vous gagnerez l'intégralité du tapis de votre adversaire (ce qui n'est pas couru d'avance, loin de là), et même si on y ajoute des bluffs réussis, cela ne compensera pas tout l'argent perdu, blind après blind, en jetant votre main sur les flops que vous aurez ratés.
* Il existe plusieurs méthodes pour calculer le nombre de flops différents. Exemple : sachant qu'il y a 52 cartes différentes dans un jeu de poker, et que le flop comporte trois cartes (différentes elles aussi) le nombre de flops ordonnés est : 52 * 51 * 50. L'ordre des cartes étant sans importance, il faut diviser le résultat par 6, parce que chaque flop ainsi dénombré apparaît 6 fois (en effet, les six flops
,
,
,
,
et
sont considérés comme étant identiques). D'où : nombre_de_flops = 52 * 51 * 50 / 6 = 22100.
Pourquoi ne pas jouer seulement les paires de rois et les paires d'as ?
Il n'y a que deux mains qu'il est exclu de coucher preflop :
et
. Ces mains gagnent presque toutes seules. Mais alors, pourquoi ne pas attendre d'avoir ces mains pour jouer ? Il y a deux raisons principales à cela :
- Une raison directe : le nombre de blinds que vous aurez perdues en jetant toutes les autres mains ne compensera jamais l'argent gagné avec
et
.
- Une raison indirecte : vos adversaires sauront ,après quelques temps à votre table, que vous ne jouez que ces deux mains (mains que vous recevrez 2 * 12 / (52 * 51) = 0.90% du temps, soit moins d'une fois sur cent), et ne perdront que peu d'argent quand vous rentrerez dans un coup car, en connaissance de cause, ils s'adapteront.
Quels facteurs prendre en compte pour décider de jouer une main ?
Les mains à jouer preflop dépendent de très nombreux facteurs, c'est pourquoi je vais me contenter d'en détailler les plus importants. Dégrossissons-les un par un :
- Le montant de votre tapis comparé à la hauteur des blinds : en cash-game, vous avez en général cent blinds, ce qui est un matelas confortable pour envisager de l'action jusqu'à la rivière. En tournoi, selon les écoles, vous allez compter le nombre de tours pendant lesquels vous resterez en jeu si vous jetez toutes vos mains (le "M" de harrington, qui est égal au montant de votre tapis divisé par la somme des blinds et antes payées à chaque coup), ou alors le nombre de grosses blinds auquel votre tapis correspond. Plus votre tapis est gros, plus il est rentable de jouer de nombreuses mains différentes, car le montant de votre mise n'engagera qu'une très faible partie de votre tapis. En revanche, si votre tapis est très petit, vous n'aurez plus le choix : il faudra probablement que vous engagiez tous vos jetons à la première occasion intéressante (au premier bon spot, pour parler dans un jargon pokéristique), sans quoi les blinds et antes auront raison de votre tapis.
- Le montant de votre tapis comparé à celui de vos adversaires : c'est la détermination du tapis effectif. Par exemple, si vous êtes de grosse blind, qu'un joueur a relancé et que tous les autres se sont couchés, c'est à votre tour de parler. Si vous possédez 250 grosses blinds et que le relanceur n'en possède que 20, alors votre tapis effectif n'est que de 20 blinds, parce que, pendant ce coup, vous ne risquez que 20 blinds, et non 250. En cash-game, vous prenez votre décision comme si vous ne possédiez que vingt blinds.
- Le nombre de joueurs à la table : si vingt-six joueurs recevaient chacun deux cartes, entre deux et quatre d'entre eux auraient un as en main. Si deux joueurs seulement reçoivent chacun deux cartes, alors il y a peu de chances que l'un deux ait un as en main. En moyenne, moins il y a de joueurs à table, moins la meilleure main distribuée est forte. Ainsi, si on vous distribue
en tête à tête, votre main est beaucoup plus forte que si on vous distribue la même main sur une table de neuf joueurs.
- Leur style de jeu : à une table de serrures (ainsi sont surnommés les joueurs ne jouant que des mains très fortes), vous pouvez essayer de voler les blinds très souvent, parce que cette action est rentable, vos adversaires couchant leur main la majeure partie du temps. A contrario, à une table de foufous, vous devez jouer moins de mains, parce que vous serez souvent suivi, et préférerez alors essayer simplement de rentabiliser au mieux vos très bonnes mains.
- Votre position à la table : si vous êtes le premier à parler, de nombreux joueurs n'ont pas encore agi, et vous n'avez pas d'idée de leur main. Vous devez donc ne jouer qu'un éventail serré de mains. Si vous êtes au bouton, il ne reste que deux joueurs à parler après vous (les joueurs de petite et grosse blinds), et vous serez également le dernier à parler après le flop, ce qui est un avantage considérable, car vous connaîtrez, au moment de prendre votre décision, toutes celles de vos adversaires. Vous pouvez donc jouer plus de mains lorsque vous êtes au bouton.
- L'action avant votre tour de parole : votre main perd de la valeur si un joueur a relancé avant vous. Le Gap Concept, découvert et développé par David Sklansky, indique qu'il faut une main plus forte pour suivre une relance preflop que pour relancer soi-même. Preflop, vous devez avoir une meilleure main pour suivre une relance que pour être le premier relanceur.
Concrètement, quelles mains dois-je jouer ?
Ce paragraphe est plus précisément orienté vers le jeu en Short-Handed (six joueurs à la table).
Les paires sont des mains preflop très fortes, c'est certain, et doivent vous amener à relancer si personne n'est entré dans le coup avant vous (hormis si vous êtes de petite blind, d'où les petites paires devraient être moins relancées, à cause de votre mauvaie poition postflop).
De manière générale, on ne tient pas uniquement compte de la force intrinsèque d'une main, mais également de la difficulté à jouer cette main postflop. Par exemple,
est une main absolument meilleure que
, mais il faudra préférer la seconde à la première parce que, lorsque vous toucherez un flop, vous saurez beaucoup plus aisément situer la force de votre main avec
(une main qui peut flopper des tirages quinte, des tirages couleur ou une paire moyenne) qu'avec
(une main qui vous donnera des tirages couleur, mais trop souvent une paire avec un mauvais kicker (une main impossible à situer) et des tirages quinte seulement par le ventre, très difficiles, voire impossibles, à jouer).
Voici, selon Ryan Fee dans son très bon 6 Max NL Strategy Guide, voici les éventails d'ouverture (opening ranges) selon votre position à une table Short-Handed. Les images sont des captures d'écran de l'indispensable PokerStove, logiciel gratuit de calcul de cotes en fonction de votre main, du tableau et de votre estimation de la hand range adverse.
[img]
Ces éventails sont informatifs, et vous n'êtes pas obligés de les suivre à la lettre. Ils constituent cependant une bonne illustration du type de mains que l'on peut relancer quand tout les joueurs avant vous se sont couchés. Vous noterez, comme indiqué plus haut, que plus votre position est tardive, plus vous l'éventail est large.




Ajustements de l'éventail
Ces éventails de mains sont informatifs, disais-je, et doivent être adaptés en fonction des facteurs que j'évoquais plus haut. Si la table est très serrée, alors vous pouvez ouvrir l'éventail, jouer plus large. Si la table est plutôt large, alors vous pouvez resserrer l'éventail en le mergeant, c'est-à-dire en enlevant les mains les plus faibles de chacun d'eux. Par exemple, à une table très large, vous pouvez enlever AJo, KQo et KJs de votre éventail d'ouverture UTG.
De plus, si vous débutez, je vous conseille de jouer plus serré, et d'élargir votre éventail à mesure que vous apprenez à jouer.
est évidemment plus facile à jouer postflop que
.
Conclusion
Vous possédez désormais des bases concernant les mains de départ. Vous pouvez les imprimer et les garder près de vous si vous jouez online, comme référence. Jetez les mains qui n'y apparaissent pas sans regrets (à mes débuts, il me semblait impossible de ne pas jouer
en premier de parole ; j'ai appris à coucher cette main sans sourciller). Après, vous pourrez adapter ces éventails à votre style de jeu, par exemple en jouant
UTG, mais pas
.
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