(mai 2007)
1.
Prenant conscience de l'ampleur du phénomène, un comité d'action interministériel pour mieux contrôler les jeux d'argent en ligne s'est tenu le 18 octobre 2006.
Après avoir énoncé que le jeu n'est pas une activité comme les autres et comporte par nature un certain nombre de risques (1), le communiqué du conseil des ministres mentionne que la France est résolue à maintenir "dans le respect du droit communautaire" une organisation des jeux reposant sur un nombre limité d'opérateurs fortement encadrés, seule à même de garantir un contrôle des flux financiers et de favoriser une pratique de jeux raisonnée.
Il est alors décidé de renforcer la lutte contre les sites de jeux d'argent en ligne en proposant notamment (i) la mise en oeuvre de poursuites judiciaires systématiques contre les personnes se livrant à de la publicité en faveur de sites de jeux illégaux, et (ii) la création d'un observatoire des jeux d'argent liés aux nouvelles technologies, devant être piloté par le ministère de l'Intérieur.
2.
C'est ainsi qu'à côté de dispositions diverses, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance s'est attaquée aux jeux d'argent et de paris proposés en ligne aux personnes résidant en France.
Les dispositions nouvelles tendent à appréhender la "chaîne" du jeu à différents niveaux.
Tout d'abord, le titre VI du livre V du Code monétaire et financier est modifié pour désormais s'intituler "Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes et les loteries, jeux et paris prohibés" ; le dispositif suivant est mis en place.
Le ministre chargé des finances et le ministre de l'intérieur peuvent désormais interdire, pour une durée de six mois renouvelable, tout mouvement ou transfert de fonds en provenance des personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, paris ou loteries prohibés.
Les établissements du secteur bancaire seront, sous peine de sanctions, chargés d'appliquer une telle interdiction (2).
Le mécanisme aura pour effet de geler les transferts de fonds en provenance des poker-rooms vers les joueurs, avec pour étrange conséquence que les joueurs seront toujours en mesure de jouer ou parier en ligne, seul le transfert des fonds en provenance des poker-rooms, c'est-à-dire les gains éventuels, étant gelé (3).
Les décisions des ministres arrêtées en application de ce texte seront publiées au journal officiel ; une liste des personnes physiques ou morales organisant des activités de jeux, paris ou loteries prohibés en provenance de qui les transferts de fonds seraient interdits, devra donc être publiée.
3.
Le législateur s'est par la suite attaché à relever les sanctions applicables aux infractions à la loi du 21 mai 1836 relative aux loteries prohibées et à la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux d'argent ; ainsi, l'amende concernant l'organisation de loteries prohibées n'est plus de 30.000 € mais de 60.000 €.
Surtout, le législateur a décidé d'élargir la gamme des sanctions en permettant la poursuite des intermédiaires qui, d'une manière ou d'une autre, font la publicité en faveur d'une activité de jeux non autorisée, donc de sites illicites.
Enfin, la loi nouvelle prend en considération la dimension Internet et modifie la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
Les apports résultant de ces nouvelles dispositions seront examinés en tant que Turn (sixième carte).
4.
Toujours concernant ce "flop" pénal, une ultime précision relative à la question de la loi applicable lorsque la poker-room est située en dehors de France.
Selon l'article 113-2 du Code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire national ainsi qu'à celles dont l'un des éléments constitutifs a lieu sur ce territoire.
La loi française relative aux jeux ou aux loteries prohibés s'applique donc aux jeux proposés en ligne depuis un pays étranger dès lors qu'un élément constitutif de l'infraction est accompli en France, ce qui est bien le cas de la diffusion de messages sur Internet.
A ce titre, on observe que les tribunaux français tendent à se déclarer compétents pour connaître de tous les litiges relatifs à des informations ou des messages qui apparaissent sur les écrans informatiques situés sur le territoire français.
En conséquence, le déploiement, en dehors du territoire français, d'activités de jeux en ligne pour contourner le droit français n'affranchie pas le site illicite de l'application de la loi française et de la compétence du juge français (4).
Afin d'éviter toute friction avec la loi française, le site de jeux implanté à l'étranger devra donc, en théorie, exclure du jeu, non seulement les internautes français, mais encore tous ceux qui pourraient jouer depuis le territoire français, quelle que soit d'ailleurs leur nationalité (5).
Cela étant, Internet ne facilite ni la recherche, ni l'appréhension des délinquants potentiels.
Les moyens juridiques, techniques et informatiques employés afin de dissimuler l'identité des exploitants ainsi que l'absence de reconnaissance des décisions pénales dans ces paradis "offshore" rendent illusoire la mise en ?uvre de poursuites à l'encontre des responsables des casinos virtuels et des organisateurs de parties et de tournois de poker sur Internet.
Les pouvoirs publics n'ont dès lors d'autres alternatives que de tenter de se retourner contre les intermédiaires et autres acteurs du réseau (6).
Eric Haber - Avocat associé
(1) En substance, le jeu est un vecteur privilégié pour le développement de la fraude et de l'évasion fiscale (les procédés sont nombreux à commencer par la distribution massive de gain à des joueurs complices) ; il représente la couverture idéale pour le blanchiment d'argent ; il peut aussi provoquer des phénomènes d'addiction chez les personnes les plus fragiles.
(2) Un décret en conseil d'état doit fixer les conditions dans lesquelles les organismes ou institutions financières seront tenus d'appliquer les mesures d'interdiction de mouvements ou de transferts de fonds.
(3) Le flux de l'interdiction (poker-rooms Þ joueurs, et non l'inverse) est surprenant dès lors que la vocation première de la loi devrait être de rendre impossible pour le joueur de jouer sur un site illicite (et donc d'interdire les virements joueurs Þ poker-rooms) et non pas de suspendre le transfert des gains. Sans perspective de récupérer le gain, il est vrai toutefois que le jeu perd de son intérêt.
On peut toutefois immédiatement envisager deux moyens de contourner cette interdiction : (i) l'ouverture d'un compte bancaire dans un pays où n'existerait pas une telle disposition, (ii) le transit des fonds via un organisme de paiement en ligne sécurisé.
(4) Dans une affaire où n'était pas en cause un site Internet, la Cour de Cassation a confirmé la condamnation d'un bookmaker anglais qui avait organisé un concours de pronostics sur les résultats du Tour de France, car il avait diffusé des bulletins sur les territoires français et suscité une espérance de gain chez des joueurs français.
(5) Précisons également (en synthèse) que la loi pénale française est applicable à tout délit (i) commis par un Français en dehors du territoire de la République si les faits sont punis dans la législation du pays où il a été commis (art. 113-6 du Code pénal) ou (ii) commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité Française (art.113-7 du Code Pénal). La loi pénale française est également applicable à quiconque s'est rendu coupable sur le territoire de la République, comme complice, d'un délit commis à l'étranger et puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère (art. 113-4 du Code pénal).
(6) A ce titre, il importe de noter que quiconque, en France, se rend complice d'un délit applicable à un casino virtuel pourra être attrait devant les juridictions françaises quant bien même les responsables du site ne seraient pas poursuivis ou resteraient inconnus.
Préambule
Travaux rédigés par Maître Éric Haber, avocat spécialisé en Droit du jeu.
Le Poker est un jeu (première carte)
Le poker n'est pas qu'un jeu soumis à des lois dérogatoires : c'est un jeu de hasard.

Face aux incertitudes soulevées par l'affaire Chouette Poker, la Fédération Française de Poker Associatif (FFPA) a décidé de lancer une pétition citoyenne sur la plateforme officielle de l'Assemblée Nationale. L'objectif de la démarché est d'ouvrir "un débat parlementaire sur l'adaptation du cadre légal applicable aux clubs de poker associatifs".
Selon une information du Parisien, le fils de Frédérique Ruggieri ainsi qu'un couple de Chinois ont été mis en examen pour des soupçons de blanchiment après la découverte d'une somme de 160 000 € dans le coffre-fort de l'établissement. Celle-ci aurait été déposée de façon illégale en dehors des horaires d'ouverture. La défense assure de son côté que les sommes ont été enregistrées dans les règles. Quant au Club, il évoque un litige professionnel en interne : les faits auraient d'ailleurs été révélés par l'ancien directeur responsable, depuis révoqué.
À la lumière des éléments de l'affaire Chouette Poker, la Fédération Française de Poker Associatif souligne dans un communiqué que la lecture de la réglementation par le procureur de la République "introduit une incertitude pour les clubs associatifs". La FFPA appelle donc de ses vœux "une clarification officielle" et, dans cette attente, attire l'attention des associations et de leurs responsables sur les risques encourus.

Chouette Poker, un club de poker associatif basé à Saint Apollinaire dans la banlieue de Dijon, a fait l'objet le week-end dernier d'une opération judiciaire. L'association ainsi que son président sont désormais poursuivis pour "des faits d'organisation et de réalisation de jeux d'argent et de hasard prohibés".

Durant près de deux ans, les joueurs demandant une auto-exclusion temporaire auprès d'Unibet ont vu la durée de la mesure convertie de mois en jours à cause d'un dysfonctionnement informatique. Dans une décision en date du 3 mars, la commission des sanctions de l'Autorité Nationale des Jeux inflige une sanction pécuniaire de 800 000 € à la société-mère de l'opérateur.