Notre table, comme le reste du tournoi (430 sur 1300 participants), a résolument l'accent français.
Nous sommes quatre tricolores, à qui il faut ajouter un belge et un luxembourgeois... Les trois pauvres irlandais ont dû se sentir bien seuls, malgré les relances incessantes des croupiers pour faire respecter la règle : "English only please !".
Les premières cartes sont distribuées, et tout le monde passe jusqu'à moi, de petite blinde. Je ne vais tout de même pas offrir un walk à Manu dès la première main, et décide de relancer quelques soient mes cartes. J'ouvre 
, ce qui soulage un peu ma conscience. Je relance à 150, Manu jette et beau joueur je lui montre qu'il ne s'agit "bien évidemment" pas d'un vol...
La table est assez serrée, et les relances sont respectées. Très peu de 3-bet, et jamais plus de 3 joueurs à voir le flop...
Mon premier coup intéressant intervient dès la 2ème orbite. J'ai 
en BB. Nous sommes deux à voir le flop, avec le joueur belge ayant limpé en MP.



check / check
Turn : 
Il mise 150, payé
River : 
Il mise 400, que je me contente de caller. Il retourne 
pour une over-straight
Dernier coup du premier level, j'ouvre 
UTG+1 et relance à 175. La SB me sur-relance à 500, je paye.
Flop 


SB check, je mise 800, et il me raise à 2200.
Il s'agit d'un joueur français très serré, qui a dû jouer 2 coups en 40 minutes. Il ne peut pas m'avoir 3-bet avec J3 J8 83 ou 33, je le mets donc sur AJ, JJ, KK, AA ou 88. Autant dire que je ne bats pas grand chose et je n'ai aucun regret à jeter mes ladies.
Je tombe après ce coup à 8k, mais rien de dramatique, il me reste encore 80 blindes !
Nous sommes à présent à la fin du level 75/150, et je navigue aux alentours de 9000, quand arrive l'un des premiers coups charnières de mon tournoi, qui va se dérouler en deux temps.
Premier acte : je suis de BB avec 
et décide de défendre une relance de 400 du cutoff. Flop de rêve : 

.
Je check très vite, et le cutoff, un français assez agressif, overbet à 1000. Je le vois alors sur une paire de 10 ou de valets qui ne veut surtout pas me laisser voir le turn. Après un peu d'acting je le relance, un peu trop fort hélas, à 3000. Il hésitera beaucoup avant de jeter face visible sa paire de valets. Je lui montre mon 9, et là il part en énorme et inespéré tilt :
"Ah put**n, je le savais, il avait As-Neuf !!!"
Son voisin : "Ou brelan de 9..."
- "Mais non, avec un brelan il aurait juste callé... J'ai failli lui envoyer ma boîte, put**n, quel con !"
S'en suivront quelques minutes où il me jettera quelques regards méchants à chaque fois que c'est à moi de parler. Lorsque Ronan, alias Roroflush, qui s'occupe du coverage pour le forum CP, viendra prendre de mes nouvelles, je lui raconterai le coup en prophétisant : "j'ai plus qu'à attendre le bon spot pour lui prendre tout le reste..."
Et ça ne traînera pas : moins de dix minutes plus tard il attaque de nouveau ma BB. J'ai 
, et call sa relance à 450, sentant l'accident se profiler... Au vu du regard qu'il me jette, je suis persuadé qu'il est à nouveau sur une grosse paire.
Le flop est intéressant : 


Je checke/call sa mise de 800
Turn : 
check / check
River :
, Bingo !
Il lui reste environ 4000 et je le sens chaud comme la braise. Je décide de l'aiguilloner juste ce qu'il faut avec une mise de 1000. Il m'insta-raise all-in, que je call tout aussi rapidement.
Il révèle une paire de 
très mal jouée, et nous quitte furieux...
Mon stack est alors de 16.000, et débarque à la table un sacré personnage : Neil "BadBeat" Channing. Vainqueur de l'Irish Open 2008, runner-up du World Poker Open 2007, 7 cash-in aux WSOP cette année... Autant dire un sérieux client. Grande gueule, trash-talker de première, il ne tardera pas à faire totalement tilter Manu. Grande gueule, mais d'une simplicité et d'une convivialité épatante. Le mec joue un tournoi à 150 balles, mais ne le prend pas par dessus la jambe et tente d'apporter un peu de vie à la table. La classe ! Je regretterai juste que la table ait cassé après 2h30.

Car en effet arrive alors ce qui aurait pu se transformer en drame : une serveuse venue apporter une bouteille d'eau à Manu trébuche et me renverse un grand gobelet de café bouillant sur le bras. Heureusement je portais alors une polaire à manches longues... Il me faudra tout de même 5 bonnes minutes le bras sous l'eau froide pour calmer la douleur. Si j'avais eu les manches courtes au moment de l'accident, il aurait sans doute fallu m'évacuer vers un hôpital...
De retour à la table, plus personne. Le café renversé sur un bon tiers du tapis a poussé les organisateurs à casser la table un peu plus tôt que prévu. Je suis alors déménagé à la 52, où je ne connais personne et où je suis, chose étrange, le seul français.
Rien de particulier à se mettre sous la dent, et le dinner break arrive à point nommé tant mon estomac commence à crier famine. Nous allons nous restaurer avec Babu dans un pub à 5mn de marche, où je me régalerai d'une succulente assiette de Bangers and Mash (Grosses saucisses maison et pommes de terres écrasées, le tout arrosé d'une sauce aux oignons).
De retour au Regency, nous profitons du quart d'heure de pause restant pour échanger nos impressions avec les CPistes encore en lice... Pas mal de monde se porte bien, voire très bien, c'est de bon augure !
Il reste environ 400 joueurs, et nous terminons le level 400/800.
Je sors un très sympathique irlandais short stack, avec une paire de dix contre une paire de quatre, avant d'être de nouveau changé de table.
Je m'installe à la n°16, juste à l'entrée de la salle de tournoi.
A peine le temps de dire bonjour aux autres joueurs et à la croupière, que je reçois 
en début de parole. Les blindes sont de 500/1000, et je relance à 3000, payé par deux joueurs.
Flop : 


C'est magnifique, mais hélas bien trop dangereux, avec de plus 2 adversaires dans le coup. Je suis obligé de protéger ma main et mise 8000, soit la moitié de mon stack restant. Un joueur jette assez vite, mais le second au cutoff, un français, réfléchit longuement. Je le sens tout prêt à envoyer le tapis (il me couvre assez largement). Mais finalement il jette, à regret semble-t-il, sa main. Beau joueur, et histoire de me faire une bonne image, je montre mon brelan. Il m'avouera alors avoir "failli faire une bien grosse connerie" avec KQ...
Je monte à 40k et suis bien respecté à la table, ce qui me permet de voler quelques pots et de grimper tranquillement à 50k.
A quelques tables de là, j'aperçois Manu debout les poings serrés, hurlant comme une truie qu'on égorge... j'apprendrai par Ronan qu'il vient de suckout QQ vs AA avec une Q à la river, pour doubler à 70k.
Nous entrons dans les deux derniers niveaux de la journée lorsque, stabilisé aux alentours de 45k, je perds un gros pot.
Les blindes sont de 1500/3000 et je suis de BB avec 
.
Le bouton, le français de tout à l'heure, me relance à 8000. C'est la 3ème fois en trois orbites, et cette fois-ci je décide de me défendre.
Le flop m'amène deux paires ainsi qu'une backdoor flush : 


J'attaque en misant 12.000, mais suis immédiatement relancé à tapis... Dès lors il n'est pas trop difficile de me séparer de ma main, car je ne peux qu'être battu : AQ, AJ, KT, JJ, QQ... autant de main que peut probablementposséder mon adversaire. Je jette et il montre 
pour les nuts.
Après quelques tours card dead et un vol raté, je tombe à 16k et suis bien mal en point alors que l'on attaque le dernier level, aux blindes 2000/4000 !
La table casse, et déplacé à la 31, je touche enfin mon premier monstre... 10h32 très précisément que je les attends : 
.
Au cutoff, je pousse mon tapis et suis payé par un gros stack possédant 

Mes as tiennent, et je remonte à 35k.
Moins d'un tour plus tard, rebelote : 
. Je raise à 10.000 et prends les blindes.
Quelques vols plus tard, la journée se termine, et nous jouons le dernier coup. Lorsque l'action m'arrive, au hijack, le compte à rebours sur l'horloge est à zéro, et j'aperçois du coin de l'oeil le cutoff et le bouton jeter leurs cartes avant leur tour. Au SB se trouve Maxence, un joueur avec qui j'ai fait le trajet de Paris à l'aéroport de Beauvais, que je sais très serré et prudent. A la BB, un joueur soulagé d'avoir passé le Day 1, qui vient de taper dans les mains de ses potes avant de constater dépité qu'il restait un coup à jouer et qu'il était de blinde. Nous avons tous les trois sensiblement le même stack (entre 40 et 50k), et j'estime qu'à ce stade ils ne pourront me caller qu'avec AA, KK, voire QQ (et encore !). Je décide d'envoyer mon tapis sans regarder mes cartes. Maxence ne réfléchit même pas, et la BB guère plus avant de jeter KJ. Je découvre alors en même temps que tout le monde 
pour un dernier vol bien lucratif, qui m'amène au final à 52.000 jetons, pour une moyenne aux environs de 70.000
Il reste très exactement 180 joueurs, et nous attaquerons demain au niveau 2500/5000. Il y aura 135 payés, et à n'en pas douter la bulle éclatera très vite au vu du nombre de short stacks (moins de 10BB).
Vient le moment, très excitant lorsque c'est notre première fois, du comptage / recomptage par le superviseur de notre stack, et l'ensachage des jetons pour le lendemain.
Il est un peu plus de 3h lorsque nous quittons la salle avec Skander, Manu et Jérôme. Pas de problème avec le taxi cette fois-ci, et ma montre (enfin l'horloge de mon portable) indique 4h du matin au moment de se coucher...
Demain est un autre jour, il s'appelle "Day 2" et j'y suis invité... Ca tombe bien, je n'ai rien de prévu !
Merci à Manu pour les photos