Alors que les dispositions de hausse de la fiscalité des jeux d'argent avaient disparu du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des députés écologistes ont déposé jeudi dernier un amendement visant à les réintroduire dans le texte. L'initiative a été tuée dans l'œuf, mais les acteurs de la filière entendent rester vigilants jusqu'à la fin du processus législatif le mois prochain. Parallèlement, l'hypothèse d'une régulation des casinos en ligne retrouve de la vigueur.
Faut-il se montrer alarmiste, comme tous ceux qui criaient au loup lorsque la presse se faisait écho des velléités fiscales du gouvernement à l'égard des acteurs de l'industrie des jeux d'argent ? Ou au contraire adopter un ton résolument rassurant, comme les autres qui se réjouissaient le 10 octobre de l'absence d'un chapitre dédié à la filière dans la première mouture du PLFSS ?
Comme souvent, la vérité se situe probablement entre les deux. L'examen du texte promet encore son lot de surprises, favorables ou non, d'ici la fin du mois de novembre. Ces derniers jours en ont d'ailleurs fait la démonstration avec une volte-face express. On vous raconte mais spoiler alert : l'histoire se termine bien... pour l'instant.
Hausse de la fiscalité des jeux d'argent : tu avances et tu recules
Vous vous en souvenez : Les Échos rapportait il y a trois semaines que le gouvernement comptait augmenter les prélèvements sociaux pesant sur les loteries, casinos, paris sportifs et sites de poker en ligne. L'objectif de la manœuvre : récupérer près de 500 millions d'euros par an. Un chiffre plutôt anecdotique à l'échelle d'un déficit public abyssal, mais significatif pour certains pans de l'industrie des jeux.
Le 10 octobre, tous les acteurs de la filière laissaient toutefois échapper un soupir de soulagement : l'avant-projet présenté par le gouvernement ne contenait aucune des dispositions évoquées par la presse. Restait alors à espérer que les députés et sénateurs emprunteraient la même voie et que leur frénésie fiscale ne reviendrait pas à l'assaut du secteur. Pour rappel, l'examen du PLFSS est appelé à se poursuivre devant les deux chambres jusqu'à la fin du mois de novembre.
Mais ce jeudi 17 octobre, branle-bas de combat : quatre députés écologistes déposaient un amendement dont l'exposé sommaire ne laissait planer aucun doute sur leurs intentions : "réintroduire l'article prévu initialement par le gouvernement concernant la taxation des jeux d'argent et de hasard". Les mesures suggérées étaient donc exactement les mêmes que celles relayées par la presse une semaine plus tôt, avec en particulier une contribution sociale passant de 0,2 à 1 % des mises pour le poker en ligne, mais aussi la création d'une nouvelle taxe sur les dépenses publicitaires du secteur.
En coulisse, plusieurs acteurs majeurs réagissaient immédiatement. Certains se fendaient même de communiqués pour partager leur émoi, à l'instar de France Galop et Le Trotteur français qui ne pesaient pas leurs mots : "Augmenter la fiscalité sur les paris hippiques serait une mesure dévastatrice pour toute la filière équine. Le projet initial du gouvernement et cette initiative des députés écologistes sont irresponsables, maintiennent les deux sociétés mères des courses en France. Une telle hausse entraînerait des pertes estimées à 80 millions d'euros et signerait la mort d'une filière agricole économique essentielle".
Cette levée de boucliers a manifestement porté ses fruits puisque l'amendement a depuis été retiré. Pour de bon ou à titre provisoire, en attendant une fenêtre de tir plus opportune ? Dans un contexte particulièrement incertain, avec des propositions qui se font et se défont en l'espace de quelques heures, il faudra encore une fois faire preuve de patience avant de se risquer à une réponse tranchée.
Régulation des casinos en ligne : le retour d'un serpent de mer
"Chez nos amis portugais, vous avez encore 40 % des joueurs qui fréquentent les sites illégaux, alors même les casinos en ligne sont autorisés. Et en Belgique, qui est un marché particulièrement ouvert, parmi les 10 opérateurs les plus populaires quatre sont illégaux et représentent près de 60 % du trafic. La légalisation [des casinos en ligne] n'a donc pas fait ses preuves".
Il y a deux semaines, cette déclaration de la coordinatrice du département de lutte contre l'offre illégale de l'ANJ nous avait laissé imaginer que l'hypothèse d'une régulation des casinos en ligne n'était pas pour tout de suite. Mal nous en a pris puisque depuis, les discussions autour du projet de loi de finances pour 2025 font apparaître que nos élus ne l'entendent pas de cette oreille.
Plusieurs députés de droite, d'abord, ont déposé le 11 octobre un amendement visant à légaliser les casinos en ligne au même titre que le poker, les paris sportifs et les paris hippiques en ligne. Histoire de comprendre leur raisonnement, on vous glisse ci-dessous un extrait de l'exposé des motifs :
Les députés à l'origine de cet amendement
Depuis trop longtemps de mauvais prétextes ont empêché toute prise en compte de cette réalité. Le maintien de l'interdiction du casino en ligne en France (contrairement aux autres pays européens) et les tergiversations multiples ont contribué à faire de la France le plus important marché illégal de jeux en ligne d'Europe, témoignant de l'inefficacité du modèle français pour endiguer la propagation de l'offre illégale.
Seule une ouverture à régulation du casino en ligne permettrait d'assécher le marché illégal en ramenant les joueurs français vers une offre légale, très strictement contrôlée et fiscalisée. Une telle régulation se traduirait par la création de nouvelles recettes fiscales et sociales de l'ordre d'un milliard d'euros, chaque année.
Discuté ce samedi, cet amendement n'a finalement pas été soutenu. Faut-il y voir une volonté de reculer pour mieux sauter ? De toute évidence, l'histoire pourrait ne pas en rester là. Les Échos rapportent ainsi, ce matin, que le gouvernement a déposé son propre amendement sur le sujet. Cette fois il ne s'agirait pas d'introduire directement les casinos en ligne dans les activités régulées par la loi de 2010, mais de permettre au gouvernement "par voie d'ordonnance d'autoriser le casino en ligne et de l'ouvrir à la concurrence". À suivre...
Quels recours restent disponibles pour que l'amendement soit annulé ?
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