Par une décision en date du 23 septembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris donne raison à un joueur de poker qui contestait l'imposition de ses gains pour l'année 2010. Les juges se sont appuyés sur un vice de procédure : l'administration n'avait pas fait droit à sa demande de rencontre du supérieur hiérarchique de l'agent en charge du contrôle fiscal.

Depuis quelques années, la jurisprudence administrative à l'égard des joueurs de poker professionnels est constante : leurs gains doivent faire l'objet d'une imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, mais la pénalité pour activité occulte n'a pas lieu d'être dès lors que les faits sont antérieurs au revirement de la doctrine administrative.
Mais si la règle est la même pour tous, les différences de situations et de profils ont conduit à des fortunes diverses pour les joueurs qui se sont risqués à former un recours devant un tribunal administratif. On se souvient par exemple du cas d'Antoine Saout, exempté du remboursement d'un million et demi d'euros grâce à une irrégularité de procédure reconnue par la Cour administrative d'appel de Nantes : en l'occurrence, la transmission trop tardive à l'ancien November Nine de documents fournis par les autorités américaines au Trésor Public.
Deux ans plus tard, une autre personnalité du poker français vient de tirer avantage du non respect d'une règle de procédure : le recours hiérarchique en cours de contrôle. Derrière cette notion se cache une réalité toute simple : en cas de désaccord avec l'agent en charge du contrôle fiscal, le contribuable peut solliciter un recours hiérarchique, c'est-à-dire s'adresser directement aux supérieurs hiérarchiques de l'auteur de la décision afin d'obtenir un regard neuf sur son dossier.
En l'espèce, le joueur a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale au titre des années 2009 et 2010, mais aussi d'une vérification de comptabilité sur la période courant de début 2003 à fin 2010. Il a été assujetti à l'issue de ces contrôles à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2005, 2006, 2007 et 2010. Un recours devant le Tribunal administratif de Paris lui a néanmoins permis, en avril 2019, d'obtenir la décharge des cotisations pour les années 2005 à 2007 ainsi que des pénalités de 80 % appliquées à l'exercice 2010.
Ce jugement ne lui ayant donné que partiellement satisfaction, le contribuable a alors décidé de faire appel avec pour objectif la décharge des impositions restant en litige pour l'année 2010. Devant la Cour administrative d'appel de Paris, celui qui réfute sa condition de joueur professionnel mais se présente avant tout comme "journaliste, commentateur et consultant dans le domaine du poker" a fait valoir de nombreux arguments. En voici quelques-uns :
- il n'avait pas reçu de mise en demeure préalable à la taxation d'office ;
- l'une de ses principales performances de l'année 2010, une troisième place lors du Diamond Championship des EFOP 2010 pour un gain de 80 000 €, avait été réalisée alors qu'il n'était pas résident fiscal français mais britannique ;
- et dans un autre registre, il n'avait pas pu bénéficier du recours hiérarchique en cours de contrôle.
Et c'est précisément ce dernier argument qui a fait mouche puisque dans sa décision datée du 23 septembre, la Cour administrative d'appel concède que le Tribunal administratif de Paris a eu tort de rejeter la demande en décharge des impositions restant en litige. Pour justifier cette position, les juges rappellent un certain nombre d'éléments :
- conformément à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, le contribuable s'était vu remettre une charte en préambule de la procédure de vérification fiscale ;
- la charte en question précisait qu'en cas de difficultés, le contribuable pouvait s'adresser à l'inspecteur départemental ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur ;
- et dès le 13 novembre 2012, c'est-à-dire en plein examen de sa situation fiscale, le requérant avait remis à l'agent en charge de son dossier un courrier faisant état de "difficultés rencontrées au cours du contrôle" et "demandant une rencontre avec le supérieur hiérarchique de ce dernier".
La juridiction retient finalement qu'il n'a pas été fait droit à cette demande, et que même si le requérant n'a jamais précisé "la nature exacte des difficultés" rencontrées, il a bien été "privé de la garantie prévue par la charte des droits et obligations du contribuable". À retenir dans l'éventualité d'un examen de votre propre situation fiscale...
Par une décision en date du 23 septembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris donne raison à un joueur de poker qui contestait l'imposition de ses gains pour l'année 2010. Les juges se sont appuyés sur un vice de procédure : l'administration n'avait pas fait droit à sa demande de rencontre du supérieur hiérarchique de l'agent en charge du contrôle fiscal.
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