Cocorico ! En 2024, trois nouveaux joueurs ont rejoint la longue liste des Français qui ont eu l'honneur de prendre la pose avec un bracelet WSOP à Las Vegas ou ailleurs. Les derniers en date ? Thibault Périssat, Élie Nakache et Clément Richez !

- David Benyamine, toujours à table, affamé de chips
- Benyamine né Tania Young
- Reg de l'ACF
- Aller-retour pour Vegas
- Un nouveau départ pour Benyamine
- Big Game, visa et petites contrariétés
- La Bobby's Room
- Les tables de Full Tilt
- No zob in job
- Les tournois
- Le bracelet de Benyamine
- Aimanté par la table
- Un remariage, un divorce
- Le poker, une relation longue durée
Dans l'ombre de lui-même et pourtant toujours sous les feux de la rampe de ses milliers de fans, David Benyamine mène une vie discrète et silencieuse, malgré les montagnes russes que parcourt son compte en banque. Le poker est comme une espèce de vice créé pour lui, cet homme énigmatique en pleine force de l'âge.
David Benyamine, toujours à table, affamé de chips
Novembre à Marrakech. Alors que l'étape locale du World Poker Tour bat son plein, une autre table focalise l'attention de plusieurs spectateurs, à quelques encablures de là. Il s'agit de la table de cash game la plus chère du casino. Plusieurs grands noms du circuit s'y pressent aux côtés de Roger Hairabedian, comme Thomas Bichon, Ludovic Lacay et surtout David Benyamine.
Ce dernier se distingue toutefois de ses adversaires par le fait qu'il est maintenant vissé sur son siège depuis 18 heures, alors que les autres vont et viennent au fil des heures de fête et de sommeil. L'ambiance à la table est plutôt bonne et le stack du plus américain des joueurs français semble aussi massif que son gabarit. De quoi donner le sourire et atténuer un peu l'évidence de certains signes de fatigue, mais en aucun cas le détourner de son objectif premier : amasser des jetons.
Derrière lui, une blonde se fait davantage remarquer par sa plastique que son regard détaché des événements. Depuis la veille, elle apparait et disparait au gré des SMS que lui distille Benyamine. Tantôt pour lui apporter une serviette destinée à éponger les gouttes de sueur qui perlent sur son visage, tantôt pour lui distiller quelques caresses dans le bas du dos avant de retourner vaquer à ses occupations.
Le couple semble aussi hors normes que son composant masculin. Il s'inscrit dans un tableau d'ensemble qui décrit sans doute assez bien ce qu'est devenu le quotidien de David Benyamine, dont on sait finalement mal s'il a reçu du poker autant qu'il lui a donné ces dernières années. La réponse est plus qu'évidente sur un plan strictement financier, mais face à ses résultats doit être pesé dans la balance tout l'investissement qu'il a pu consacrer au jeu. Un investissement qui dépasse de loin le simple cadre financier.
Chaque observateur du circuit poker international aura son propre avis sur la question, à la lumière des rares éléments d'information qu'il détient sur le personnage, qui fascine presque autant qu'il demeure secret. Une dernière facette rendant difficile l'exercice du portrait de David Benyamine, et qui justifie à elle seule que son auteur ait cédé à la facilité en se réfugiant dans un recueil de blagues sur les personnes corpulentes.
Benyamine né Tania Young

À sa venue au monde à Paris en 1972, David Benyamine ne pouvait évidemment imaginer que son patronyme ferait 39 ans plus tard l'objet d'un jeu de mots aussi foireux. De cette naissance, il dit avoir hérité deux caractéristiques marquées : timidité d'abord, profond sens du "gamble" ensuite. La première, non feinte, provoque d'ailleurs bien souvent une avarice de mots face aux médias. Très sollicité en marge des tournois auxquels il participe, le Français tend à instaurer une distance naturelle avec les observateurs du circuit. Pas étonnant, dès lors, que l'on ne sache presque rien de certains aspects de son existence.
Ses jeunes années s'avèrent par exemple relativement insondables. Tout juste confie-t-il avoir tâté le carton pour la première fois à l'âge de 12 ans, initié par des membres de sa famille aux rudiments du poker. Une première approche insuffisante, cependant, pour que la fascination exercée par le jeu ne demeure plusieurs années en sommeil. Enfant, c'est à une carrière d'archéologue qu'il se destine.
Rapidement toutefois, ce n'est plus ce rêve qu'il caresse, mais les balles de tennis. Très talentueux sur les courts, le jeune Parisien entrevoit le dessein de devenir un joueur professionnel. Jusqu'à ce que le destin, dont Doyle Brunson ne démentirait pas le caractère facétieux, ne décide de l'en priver en lui infligeant arthrite et autres sérieux problèmes de dos. Doté d'un goût pour les études que l'on qualifiera de modéré, Benyamine fait son entrée dans le monde adulte démuni du moindre atout dans son jeu.
En apparence du moins. Car en marge du travail qu'il exerce - autant qu'il l'exècre (www.anagrammesbypiercy.com) - dans des commerces tenus par ses parents, il s'évade dans des salles de billard dès que l'occasion lui en est offerte. Des salles qui révéleront, tel Rocco et ses (con)frères, son grand talent une queue à la main.
Reg de l'ACF

Rapidement devenu l'un des dix meilleurs joueurs de l'Hexagone, il ne trouvera pourtant pas plus dans le billard que le tennis une planche de salut. Il en prend lui-même conscience en franchissant pour la première fois la porte de l'Aviation Club de France : "J'ai commencé à jouer des parties de cash game en France à l'âge de 26 ans. Avant de me mettre au poker, je jouais au rami. C'est comme ça que je gagnais de l'argent au jeu, car j'ai toujours été performant au rami. Et puis un ami du club de rami m'a demandé si je voulais m'essayer au poker. Je n'avais alors aucune idée de la façon dont ça pouvait se jouer. Je connaissais bien entendu le poker fermé, mais je ne savais pas jouer aux autres variantes comme le Hold'em, l'Omaha ou le Stud. Mon ami m'a donc conduit à des tables de poker. Je ne les ai plus jamais quittées".
C'est dans l'enceinte de l'ACF que son "sens du gamble", jusque là enfoui, se révèle avec toute sa vigueur. Celui qui ne cache pas un penchant certain pour la paresse prend alors très vite plaisir à accumuler les jetons sans s'acquitter du moindre effort physique. Entre 1999 et 2002, il va briller tant en cash game qu'en tournois, comme en attestent d'ailleurs ses premières lignes Hendon Mob.
C'est à cette époque qu'il fait notamment la connaissance d'Isabelle Mercier, alors manager à l'Aviation Club de France. Intriguée par ses succès aux basses limites d'abord, puis rapidement aux tables high stakes, la Québécoise l'interroge sur ses lectures spécialisées :
- Dis donc David, c'est pas que je voudrais te tirer la pipe, mais où donc puises-tu toute ta connaissance ?
- Mmh ?
- Pardonne moi si je te tombe sur les nerfs, c'est juste pour potiner t'sais. As donc tu lu des ouvrages pour jouer si bien ?
- Ah pardon, je pensais que tu me faisais des avances...
- Pantoute ! Est-ce que j'ai l'air d'avoir les yeux dans la graisse de binnes ?
- Tu voulais juste savoir si j'avais lu des bouquins de poker ?
- Tiguidou ! Envoye donc !
- Eh bien non, pas du tout.
- Bien bien. T'es donc plutôt du genre à te pogner le cul... C'est pas que je voudrais ambitionner su'l'pain béni, mais j'en ai un char et puis une barge t'sais ?
Si cette esquisse de reconstitution peu fidèle tend à prouver que ce portrait a été rédigé sous substances, l'anecdote demeure réelle. L'histoire ne dit pas, en revanche, si celle qui collectionne les conquêtes à une vitesse inversement proportionnelle à ses victoires a, ou non, épinglé son interlocuteur à son tableau de chasse. Ni si elle imaginait déjà à l'époque pouvoir révolutionner l'ère post Super System avec Gagnez au poker by Isabelle Mercier.
Aller-retour pour Vegas

David Benyamine a 30 ans et vient de perdre la quasi totalité de sa bankroll aux tables high stakes quand le destin le rattrape. Une de ses connaissances l'aborde et lui propose de financer son voyage pour Las Vegas. Sûr du talent du Français, le mécène s'engage à lui fournir suffisamment d'argent pour jouer sur place aux tables de cash game comme de tournois, en échange d'une part majoritaire de ses gains à venir.
David ne se fait pas prier et décolle quelques semaines plus tard pour le Nevada. Une fois sur place, il essuie malheureusement un sévère bad beat avec la volte-face de son soutien financier. Livré à lui-même par la force des choses, dans une ville aussi folle que son interlocutrice du chapitre précédent, il va pourtant une nouvelle fois se prouver à lui-même qu'il a de la ressource. Pas encore en des termes financiers - il n'a que 4 000 dollars en poche - mais sur le plan psychologique.
Résolu à ne pas avoir fait le voyage pour rien (l'occasion d'avoir une pensée émue pour Cyril Rool, Eric Di Meco ou encore Gennaro Gattuso), il entreprend de faire fructifier son pécule aux tables locales de cash game. Résolution salutaire puisqu'après quelques semaines et un good run digne de nartoof, son capital de départ se trouve tout simplement multiplié par 100. Un downswing insignifiant de 100 000 dollars plus tard, il s'achète un billet retour pour la France. Là-bas, il finira malheureusement par brûler les étapes, ses ailes et sa bankroll.
Un nouveau départ pour Benyamine

- Ça n'a aucun rapport avec le texte ?
- En effet, pardon.
Ses retours répétés à la case départ ne tiennent en réalité qu'à une seule et unique raison : une gestion de bankroll approximative, voire inexistante, qu'il explique par son besoin insatiable de jouer aux plus hautes limites et d'affronter les meilleurs joueurs. Mais également, selon lui, par la nature même du jeu en cash game : "Lorsque vous jouez en cash game, vous avez besoin de faire preuve d'un état d'esprit différent de celui des tournois. En cash game, il n'est pas indispensable de faire preuve de patience. Ce dont vous avez besoin avant tout, c'est de vous débarrasser de vos craintes. En tournoi, vous investissez un montant déterminé et ne pouvez pas perdre davantage. En cash game, en revanche, vous pouvez recaver et recaver sans cesse. Les gens peuvent littéralement se ruiner en recavant ainsi à des tables qu'ils ne peuvent battre. J'ai vu ça des centaines de fois. Moi aussi ça m'est arrivé : j'ai dilapidé l'intégralité de ma bankroll. Et puis j'ai tout recommencé à zéro, et puis je me suis retrouvé broke à nouveau et j'ai repris des plus basses limites encore et encore. C'est arrivé à des tas de joueurs. C'est pour ça qu'il faut s'assurer avant de s'asseoir à la table d'être en mesure de supporter la pression, de jouer sereinement l'argent qui sort de ses poches. De bien contrôler tout ça."
Et pourtant, même si le cash game constitue de loin sa discipline de prédilection, c'est provisoirement en tournoi qu'il va se refaire une santé. En juillet 2003, il signe ainsi sa première grande performance et remporte le WPT Grand Prix de Paris. Après être venu à bout d'Erick Lindgren, qui prendra sa revanche quelques années plus tard sur un autre terrain, il empoche un peu plus de 410 000 dollars. Au-delà, ce triomphe sur ses propres terres l'incite à en conquérir de nouvelles.
Quelques semaines plus tard, Las Vegas devient définitivement son terrain de jeu favori. A l'Aviation Club de France, il laisse derrière lui les limit games, dont il assure avoir été le principal instigateur à l'un de ses retours d'outre-Atlantique.
Big Game, visa et petites contrariétés

Une fois de retour aux États-Unis, il espère reprendre irrémédiablement sa marche en avant. Ses efforts s'avèrent toutefois vains. Durant plusieurs mois, son ascension en cash game demeure au point mort et ses résultats en tournois faméliques. Un premier sursaut intervient en février 2004, lorsqu'il atteint la table finale du WPT L.A. Poker Classic à Los Angeles. Sa 6e place se solde par un gain d'environ 132 000 dollars.
Quelque temps plus tard, encouragé par ses amis, c'est pourtant sans la bankroll nécessaire mais confiant en son edge en Pot Limit Omaha qu'il s'assoit à des tables de 500/1 000. Puis dans la foulée sur la légendaire Limit Hold'em 2 000/4 000 du Bellagio, avec pour seul investissement le buy-in minimal de 40 000 dollars. Las, c'est perdant qu'il quitte les tables du Big Game. Au bout de quelques sessions, il affiche même un déficit global d'environ 400 000 dollars dans l'enceinte du Bellagio, payant au prix fort son apprentissage dans les variantes autres que l'omaha. À ce moment précis, il n'a pas plus de chance de devenir une star internationale du circuit que Julien Van Lang de gagner un championnat de chifoumi.
Et pourtant, les semaines et mois suivants vont le voir enchaîner les sessions positives et faire exponentiellement fructifier son capital. Il croit que la chance a définitivement tourné quand le sort se rit une nouvelle fois de lui en mars 2004. Pas aux tables de poker cependant, mais sur un terrain plus administratif.
Son homonymie avec un présumé terroriste amène en effet les autorités à s'intéresser de plus près à son cas. Arrêté à San Diego par des agents du FBI, il leur démontre rapidement leur méprise, mais se trouve en revanche sans argument lorsque ces derniers lui précisent que son activité professionnelle de joueur de poker nécessite un visa de travailleur, et non de simple touriste. Il est alors retenu 5 jours dans un centre de détention avant d'être renvoyé vers Paris et interdit de fouler le sol américain durant un an. Comme dit toujours le grand-père de McGyver, dans ces moments là il faut savoir prendre de la hauteur.
La Bobby's Room

Durant un an, il reprend ses habitudes dans les cercles de jeux parisiens et écume le circuit européen en quête d'un ersatz d'action. Au terme de cet exil doublé d'une parenthèse dans sa carrière américaine, il obtient en 2005 un visa d'une durée de 3 ans et emménage durablement dans le Nevada, à Henderson.
Là-bas, il ne délaisse pas ses bonnes et mauvaises habitudes et ne perd pas de temps pour se réinstaller aux tables high stakes et à nouveau pousser la porte de la Bobby's Room. "Il m'arrive de jouer à des limites plus basses que celles auxquelles je suis habitué, mais pas pour des raisons liées à la bankroll, uniquement parce qu'elles m'offrent de bonnes parties". Entendre par là des parties profitables. "Si je ne ressens pas d'excitation, je ne joue pas vraiment, je suis moins attentif. Sans la flamme je ne suis rien". Ou comment une improbable faiblesse dans le domaine du bankroll management finit par se trouver à la source même du succès. S'il avait suivi un parcours plus traditionnel, plus convenu, rien ne dit que David Benyamine tutoierait aujourd'hui les sommets.
La fin de l'année 2005 le voit conquérir le respect de ses pairs outre-Atlantique. Le nom du frenchy qui défie dans leur antre les habitués de la Bobby's Room se répand comme une traînée de poudre dans tout Vegas. C'est à cette période que lui est attribué l'un de ses surnoms : Napoléon. Un sobriquet qu'il doit davantage à la culture limitée des Américains, peu friands d'Histoire européenne, qu'à un gabarit qu'il pourrait partager avec Bonaparte. À titre subsidiaire, Napoléon est également à l'origine d'une phrase qui sied comme un gant à David Benyamine : "Avec de l'audace on peut tout entreprendre, on ne peut pas tout faire".
Reste que si trop souvent il a subi les conséquences de ses excès d'audace, en 2005 puis 2006 tout lui sourit. Illustration anecdotique de son aura croissante : il faisait à l'époque partie de la Corporation et son nom succédait à celui de Phil Ivey dans la liste des joueurs appelés à affronter le milliardaire Andy Beal. Confiant sur ses chances de porter l'estocade, Ivey lui avait néanmoins de demander de pouvoir rester à la table quelques heures de plus. Une persévérance du reste fatale à Andy Beal.
Une dizaine de mois plus tard, Benyamine est identifié par tous les habitués du Big Game comme le plus gros gagnant de 2006. La rumeur court alors qu'il afficherait une ardoise positive de près de 10 millions de dollars sur l'année. Un chiffre qu'il n'est lui-même pas en mesure d'infirmer ou de confirmer, tant son détachement face à ses gains et pertes est une réalité. Ce n'est sans doute pas un hasard si ses compères de jeu le qualifient de "massive gambler" et l'affublent d'un second sobriquet : Degenyamine.
Les tables de Full Tilt

Le ciel radieux de 2006 va un peu s'obscurcir l'année suivante. David se désintéresse encore plus fortement qu'auparavant des tournois, mais délaisse surtout progressivement les tables live pour son écran d'ordinateur (en dépit d'une 6e place lors des WSOP 2007 en Omaha Hi Lo, pour 29 700 $). L'aura dont il bénéficie alors lui vaut de signer un lucratif partenariat avec Full Tilt. C'est donc aux tables de poker de l'opérateur qu'il passe la majeure partie de ses journées et de ses nuits. Dans un premier temps sans réel succès puisqu'à l'issue de ses six premiers mois online, sa courbe de gains flirte avec le zéro.
Live et online confondus, on évoque le concernant des pertes de plusieurs millions de dollars mi 2007. Un chiffre que, comme souvent, le principal intéressé n'est pas en mesure de confirmer ou d'infirmer : "Vous savez, je ne prête pas beaucoup d'attention à tout ça. Je ne regarde pas vraiment ce que je peux gagner ou perdre sur une année. S'il n'y avait pas High Stakes DB, je ne serais même pas capable de dire si je viens d'avoir un mois gagnant ou perdant".
Il justifie lui-même cette forme de nonchalance par sa volonté de n'analyser son jeu qu'en fonction de la notion de long terme, mais également par ses différents partenariats financiers : "J'ai peut-être un million de dollars sur mon compte de joueur, mais en réalité ce chiffre se décompose en six parties. J'en possède un sixième et cinq de mes amis apportent le reste. J'ai perdu des pots de 500 000 dollars, mais puisque je n'en possédais qu'un sixième, je n'ai vraiment perdu que 80 000 dollars à chaque fois. Même si ma bankroll en comptait deux, je serais incapable de perdre ne serait-ce qu'un seul million. Je n'ai pas des tonnes d'argent, je n'en ai qu'un peu".
No zob in job

Côté vie privée, il entame une romance avec Erica Schoenberg, sa consœur de la team Full Tilt. Durant plusieurs mois, celle-ci va devenir la seconde femme de sa vie, selon la formule consacrée (puisqu'il a également une fille).
Au fil des mois, la passion qui les rapproche restera toujours au cœur de leur union. Dans les bons jours d'abord, lorsqu'elle l'observe jouer en ligne pendant des heures et qu'il lui dispense de précieux conseils pour améliorer son jeu en cash game (sans réel succès aux dernières nouvelles). Dans les moments importants ensuite : quand elle ouvre la porte pour recevoir d'un livreur une lettre UPS et y découvre une bague de fiançailles, alors que lui dort encore après une session marathon débutée la veille. Dans les heures difficiles enfin, quand son appétit gargantuesque de jeu le dévore presque de l'intérieur, et l'éloigne lentement mais surement de sa bien aimée.
Une autre histoire d'amour tumultueuse lie d'ailleurs le Français à Full Tilt Poker. Entre février et octobre 2008, David joue sans relâche et enchaîne les sessions marathons pour un profit avoisinant les 5 millions de dollars. Néanmoins, il connaît dans la foulée un mois de novembre catastrophique et perd plus de 2 millions. Faut-il y voir un lien de corrélation si son contrat de sponsoring avec l'opérateur prend fin peu après ? En tout cas, Benyamine jure alors à qui veut l'entendre qu'il ne jouera plus jamais sur Full Tilt.
Les tournois

En dépit de cette séparation, 2008 est sans le moindre doute possible sa plus grande année en tant que joueur. Souvent raillé par ses collègues de la Bobby's Room pour sa quasi-absence de résultats en tournois, il se décide à sauter le pas : "Un joueur m'a dit qu'il ne pensait que je serais capable d'être aussi performant en tournoi qu'en cash game. Il m'a même comparé négativement à d'autres joueurs. Ça m'a un peu blessé et je lui ai répondu qu'on en reparlerait après les World Series".
Touché dans son amour-propre, et sans doute mû par la volonté de remporter quelques paris annexes, le Français se décide à s'investir plus sérieusement dans un domaine pour lequel il n'éprouve pas d'affinités particulières : "Les tournois sont particulièrement frustrants. Tu perds une seule main et c'est terminé". Erica Schoenberg, qui avant de rejoindre Erick Lindgren partageait encore sa vie, décrit son état d'esprit vis-à-vis des tournois : "Après ça, David s'est dit qu'il allait s'investir à 100 % et montrer à tout le monde ce dont il était capable. Il a remporté tellement d'argent en cash game que c'était jusque là presque impossible pour lui de se dire qu'il allait s'asseoir à la table d'un tournoi pendant 5 jours pour gagner ce qu'il aurait de toute façon pu empocher en une nuit. C'est pour ça qu'il lui a fallu changer un peu d'état d'esprit. Ça a pris du temps".
Un changement d'état d'esprit qui s'avère particulièrement salutaire puisqu'il se solde rapidement par deux tables finales WSOP (ainsi qu'une 10e place), dont une 3e place en Pot Limit Omaha pour un gain de 316 000 dollars. Le meilleur reste cependant à venir : deux jours après ce podium, le Français s'impose dans le Omaha Hi Lo Split Championship (535 000 dollars de gains) pour apporter à la France son 4e bracelet. Il entre dans l'Histoire en succédant à Gilbert Gross, Claude Cohen et enfin Patrick Bruel, qui en 1998 ne savait pas qu'il lui donnait rendez-vous dans dix ans.
Le bracelet de Benyamine

- Je t'assure chéri, je ne la vois plus.
Après avoir dominé de la tête et des épaules (il est directement responsable de la sortie des 3 derniers joueurs) une table finale entre autres composée de Mike Matusow, Ram Vaswani ou Eugene Katchalov, les journalistes lui demandent ce qu'il compte faire pour fêter l'événement. La réponse est révélatrice du personnage : jouer. Joignant le geste à la parole, il se lancera effectivement dans une session marathon de 1 500/3 000 Mixed Game au Bellagio. Ce n'est qu'à l'aube qu'il quittera finalement la table. Lessivé mais le sentiment du devoir accompli, tel un Roark aka Slainte aka robin_len sortant d'une soirée SM.
Après coup, il commente la fin de sa disette en tournois : "Lorsque je me suis lancé ce challenge, je ne l'ai fait pour personne d'autre que pour moi. J'aurais pu terminer second ou troisième mais je pense que mon sentiment aurait au final été le même. Quand j'ai dit que j'allais montrer à tout le monde ce dont j'étais capable, c'était avant tout pour me motiver moi-même et avec l'espoir de repousser mes limites".
Même si à repousser certaines limites trop loin, on finit parfois par en perdre de vue l'essentiel.
Aimanté par la table

Les mois qui suivent s'avèrent moins reluisants et Benyamine passe de plus en plus de temps aux tables, se lançant dans d'interminables sessions qui souvent dépassent allègrement la quinzaine d'heures. Lui qui étant jeune se pensait trop paresseux pour de longues journées de travail se montre infatigable dès lors qu'il s'agit de poker. Toujours aux tables high stakes, toujours en fonctionnant au jour le jour sans comptabiliser ni pertes ni gains.
Et quand il s'agit précisément de sessions négatives, il n'est généralement pas le mieux armé pour s'extirper de la spirale. Son principal défaut, il le sait, c'est de mal gérer les bad runs, de continuer de jouer sans relâche et même de "gamble" encore davantage : "Si les choses se passent mal pour d'autres joueurs, ils rentrent à la maison. Moi je dois continuer d'essayer et de me battre. Je ne veux simplement jamais quitter la table, même quand la chance me fuit depuis des heures".
Ceux qui ont eu l'occasion de le croiser aux tables lors de ses épisodiques retours en Europe ne pourraient pas dire mieux : une fois assis, il est difficile de déboulonner David Benyamine de la table. En novembre dernier, en marge du WPT Marrakech, il lui arrivait de persister aux tables de cash game dans des sessions avoisinant la vingtaine d'heures. Alors que ses adversaires se réfugiaient un à un dans les bras de Morphée, c'était pour le retrouver à leur réveil à la même table et dans la même posture : celle d'un homme dont les traits ont au fil des années été grossis par sa passion pour le jeu et paradoxalement creusés par la fatigue. Une fatigue qui ne le détourne pourtant que peu de son objectif à la table. Transpirant ou rougissant sous l'effet conjugué de la chaleur et des longues heures passées prostré, il demeure le même joueur focalisé durant chaque pot sur l'objectif de faire le meilleur choix possible. À de très rares exceptions près.
Un remariage, un divorce

Pour les biologiques comme les observateurs de la planète poker, il existe plusieurs notions susceptibles de définir la relation entre deux entités. Dans le cas du commensalisme, le premier individu fournit une partie de sa propre nourriture au second, sans attendre ni obtenir aucune contrepartie. Le sponsoring de Pascal Perrault par Full Tilt Poker constitue un bon exemple scientifique.
Avec le mutualisme, les deux individus tirent au contraire profit de la relation. C'est par exemple le cas lorsque clem2511 croise Gerar Mendujeu à la table. Et si l'on parle enfin de parasitisme, un des protagonistes tire cette fois profit de la relation aux dépens d'un autre. Exemple bien connu : Arnaud Mattern qui propose à melja59 une série de heads up ayant pour seul enjeu la reconstitution, par nature éphémère, de la bankroll du second nommé.
Si d'aucuns ont pu gloser sur le caractère parasitaire de la relation entre David Benyamine et Erica Schoenberg, arguant par exemple des avantages financiers ou médiatiques que cette dernière pouvait en tirer, force est de reconnaître que l'une des causes de leur séparation fut le caractère insuffisamment mutualiste de la relation unissant le Français et le poker.
En 2007, les deux protagonistes de la romance déclaraient ainsi d'une seule voix vouloir accorder plus d'importance à leur vie hors poker. Les dizaines d'heures passées par le Français devant son écran exacerbaient alors son embonpoint et ses problèmes de dos, au point qu'il peinait à pratiquer régulièrement le golf, l'un de ses sports favoris. "Je suis satisfait de mes résultats niveau poker mais j'ai besoin de travailler sur d'autres trucs. J'aimerais réussir à apporter à Erica un mode de vie stable et équilibré. Peut-être qu'elle ne le dit pas parce qu'elle m'aime mais elle mérite un homme qui prenne soin de lui-même autant qu'elle le fait elle-même. C'est mon objectif numéro un", affirmait-il alors.
Quant à la belle, elle ne cachait pas que la sédentarité lui convenait guère : "Tout cela (le poker) pèse un peu trop sur nos vies. Ce n'était pas un problème majeur quand David pouvait encore pratiquer le golf, mais ça ne fait qu'empirer et il est donc vraiment important qu'il redevienne actif et s'affine".
Peine perdue, comme la suite des événements a pu le confirmer. Car si en juillet 2009, Benyamine faisait officiellement son retour sur Full Tilt, cette réconciliation contrastait nettement avec sa situation sentimentale. Quelques mois plus tard, David se séparait en effet d'Erica, à moins qu'il ne s'agissait de l'inverse. Et pour ne rien arranger au tableau, son come-back online se traduisait au fil des mois par une perte de 2,5 millions de dollars. Autant dire que dans de sales périodes comme celle-là, tous les moyens semblent bons pour se refaire.
Le poker, une relation longue durée

ou les origines en image de l'expression "Trop gros, passera pas".
En résumé, 2009 aura donc en quelque sorte été une annus horribilis (seuls les illettrés verront ici une allusion malsaine à l'arrière train de Greg Raymer) pour le Français, en dépit d'une table finale WSOP (7e du 10 000 $ 2 to 7 draw lowball). Si l'on y ajoute son tempérament discret et l'opacité qui plane sur les performances réalisées en cash game live, son exposition médiatique se trouve légèrement atténuée ces derniers temps. Et pourtant, l'aura de mystère qui l'entoure contribue finalement à exercer une sorte de fascination sur de nombreux observateurs de la planète poker.
En 2010, David Benyamine a continué son petit bonhomme de chemin sur le circuit international. Toujours friand de cash game, il a également trouvé plusieurs occasions de briller en tournois, et ce malgré un nombre relativement limité d'événements cochés sur son calendrier : un deep run lors du main event des World Series (58e pour 138 000 dollars), une 4e place lors du 25 000 $ Championship du WPT World Poker Classic (pour 329 000 dollars) ou encore trois tables finales lors d'events high roller. Autant de performances qui ont fait de lui le Français ayant remporté, avec un peu plus d'un million de dollars, les gains les plus élevés en tournois en 2010.
La série semble même se poursuivre puisque l'intéressé vient d'accéder, à Melbourne, au podium du tournoi le plus cher jamais organisé. Des résultats qui résonnent dans la tête du joueur comme autant d'arguments pour continuer d'écumer le circuit toujours davantage. Lors des dernières interviews qu'il a eu l'occasion d'accorder, David Benyamine s'est montré plutôt clair : il souhaite continuer à jouer le plus longtemps possible. En France, personne ne s'en plaindra.
David Benyamine : une passion dévorante
Dans l'ombre de lui-même et pourtant toujours sous les feux de la rampe de ses milliers de fans, David Benyamine mène une vie discrète et silencieuse, malgré les montagnes russes que parcourt son compte en banque. Le poker est comme une espèce de vice créé pour lui, cet homme énigmatique en pleine force de l'âge.
Patrick Bruel, le showman
Plus connu du grand public dans son costume d'artiste, Patrick Bruel est également, de longue date, l'un des principaux artisans du développement du poker en France.
ElkY, le champion 2.0
S'il ne devait en rester qu'un parmi les stars françaises du circuit, alors ce serait sans doute lui. Originaire de Melun, ce trentenaire est aujourd'hui plus connu sous le pseudonyme ElkY, inspiré d'un personnage de jeu de rôles, que sous son nom de baptême.

Aladdin, Sands, Stardust, Dunes... MasterGuggy fait partie des privilégiés qui se sont frottés à ces gloires du passé. Depuis son premier séjour sur le Strip en 1992, David est retourné à Las Vegas à une vingtaine de reprises. Il a même eu l'occasion d'y emmener ses enfants et de leur faire découvrir le Tournament of Kings de l'Excalibur.

Il a découvert le poker live à Atlantic City lorsqu'il était installé à New York. Depuis, s1605 a déménagé en Californie et c'est donc fort logiquement sur Las Vegas qu'il a jeté son dévolu. Joueur de cash game exclusivement, il a ses habitudes dans la poker room du Bicycle Casino quand il est à la maison, et dans celle du Wynn lorsqu'il est de passage dans le Nevada.

Depuis 2013, divinerites et son épouse Marie-Christine se rendent à Vegas une ou deux fois chaque année. Et s'ils partagent de longue date la même passion du poker, ne vous risquez pas à leur demander où se trouvent les meilleures tables : leur premier réflexe ne sera pas de vous parler de poker rooms, mais bien de bons restaurants.

À l'oral comme à l'écrit, calouminou est un passionné qui sait raconter et partager ses souvenirs. L'ancien arbitre de foot en fait une fois de plus la démonstration avec une série d'anecdotes ramenées d'une dizaine de séjours à Las Vegas. Avec au passage pas mal de name-dropping pour mettre à l'honneur les copains du CP.

Grand animateur des premières journées du Main Event des WSOP, Phil Hellmuth se fendra-t-il à nouveau d'une entrée tonitruante en juillet ? Rien n'est moins sûr puisque le recordman du nombre de bracelets pourrait faire l'impasse sur l'épreuve pour la première fois depuis 1988. En cause, des conditions de jeu qu'il estime trop exigeantes pour un sexagénaire.
Cinq ans après son arrivée au sein du Team GGPoker, ElkY officialise la fin du partenariat sur X : "Avec GGPoker nous avons vécu une aventure formidable, mais celle-ci arrive aujourd'hui à son terme. Ceci étant dit, je continuerai de jouer sur la room et lors des WSOP de temps en temps, alors je vous donne rendez-vous bientôt sur les tables !".