Ces deux dernières années, l'Autorité Nationale des Jeux a ponctuellement soufflé le chaud et le froid au sujet d'une régulation des casinos en ligne sur le marché français. L'hypothèse ne semble plus à l'ordre du jour et le régulateur a choisi une option plus modérée pour combattre le succès de l'offre illégale : une vaste campagne d'information qui souligne la dangerosité de ces sites.
Il faut parfois savoir lire entre les lignes. Alors que l'ANJ lance cette semaine une grande campagne d'information contre les sites de casinos en ligne, la coordinatrice de son département de lutte contre l'offre illégale se fend sur FranceInfo de commentaires intéressants. Interrogée à propos de la pertinence d'une régulation de cette offre de jeu pour assécher les réseaux illégaux, comme le proposent plusieurs opérateurs à travers l'Association Française des Jeux en Ligne (AFJEL), Gaëlle Palermo-Chevillard réfute l'efficacité d'une telle mesure en s'appuyant sur l'exemple de nos voisins : "Chez nos amis portugais, vous avez encore 40 % des joueurs qui fréquentent les sites illégaux, alors même les casinos en ligne sont autorisés. Et en Belgique, qui est un marché particulièrement ouvert, parmi les 10 opérateurs les plus populaires quatre sont illégaux et représentent près de 60 % du trafic. La légalisation n'a donc pas fait ses preuves".
Si cette déclaration tranchée mérite de retenir l'attention, c'est parce que l'ANJ ne s'est pas toujours montrée aussi claire. Devant la commission des finances du Sénat l'an dernier, sa présidente Isabelle Falque-Pierrotin entretenait le doute : "La situation est assez atypique. La France et Chypre sont les seuls États à ne pas les autoriser. Une étude est en cours et ses résultats nous permettront prochainement d'identifier de façon plus précise ce que représente l'offre illégale en France. Le caractère addictif de ce type d'offre est en tout cas documenté : en cas de régulation, des garanties supérieures à celles qui existent aujourd'hui seront donc nécessaires. [...] La situation de la France est également particulière du fait du maillage territorial important des casinos physiques. Dans l'éventualité d'une régulation des casinos en ligne, nous estimons que les casinos physiques pourraient souffrir d'une perte d'activité de l'ordre de 30 %".
Mais c'est surtout dans son rapport d'activité, quelques mois plus tard, que le régulateur semblait entrouvrir davantage la porte en teasant une étude ayant pour but de "nourrir la réflexion sur l'évolution éventuelle du cadre existant". L'ANJ évoquait à cette occasion les avantages potentiels d'une telle régulation : le renforcement de la protection des joueurs ayant déjà recours à l'offre illégale, des recettes fiscales supplémentaires pour l'État, ou encore la fin de l'isolement de la France sur cette question sur la scène européenne. Le rapport d'activité allait même plus loin en s'interrogeant à voix haute puis en se lançant dans une ébauche de réponse : "Un équilibre pourrait-il être atteint, qui consisterait à autoriser ces jeux en les encadrant suffisamment pour empêcher que se développent les risques évoqués ? Cet encadrement pourrait par exemple consister en une autorisation préalable de ces jeux par le régulateur, de fortes restrictions en matière de publicité, un seuil de TRJ imposé, des modérateurs de jeux renforcés et une limitation du montant des sommes dépensées".
De toute évidence, il ne s'agit plus aujourd'hui de la piste de travail privilégiée. Alors pour endiguer cette offre illégale qui drainerait entre trois et quatre millions de joueurs français, l'ANJ a lancé ce mardi une campagne d'information qui poursuit de son propre aveu un double objectif :
- rappeler que les sites de casino en ligne sont illégaux en France, un joueur sur deux déclarant l'ignorer.
- et informer sur les nombreux dangers associés à cette offre illégale afin de réduire les comportements à risque et les problèmes liés au jeu compulsif.
Entièrement digitale, cette campagne reprend les codes des sites concernés et tente d'attirer l'œil de l'internaute avec des visuels colorés et aguicheurs. Vidéos sur Snapchat et Twitch, publicités interactives sur les applications de gaming, bannières web, vidéos de témoignages sur Tiktok : tous ces canaux renvoient vers une même page web au contenu pédagogique. L'ANJ y rappelle que ces sites ne proposent aucun mécanisme de protection et que le joueur y risque parfois le vol de ses données personnelles ou l'installation de programmes informatiques malveillants.
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de l'ANJ
L'offre illégale de jeux d'argent en ligne représenterait entre 5 et 11 % du marché global des jeux d'argent en France. Elle s'avère particulièrement dommageable pour les joueurs qui la consomment : addiction, surendettement, problèmes familiaux, etc. Ce marché parallèle constitue un véritable support financier pour de multiples organisations criminelles internationales. C'est pourquoi l'ANJ est déterminée à actionner tous les leviers à sa disposition pour enrayer cette offre illégale.
Interdire la publicité pour les jeux d'argent durant les matchs, fixer un plafond de pertes pour les 18-25 ans, ou encore obliger les opérateurs à afficher les pertes nettes de leurs joueurs : voici quelques-unes des propositions formulées par l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) au gouvernement pour réduire le nombre de joueurs excessifs. Paradoxalement, le régulateur ouvre dans le même temps le débat autour de l'autorisation des jeux de casino en ligne.
[...] Lire la suite…
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