Jusqu'à une loi promulguée en mars 2022, l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) devait solliciter le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir des ordres de blocage et de déréférencement des sites de jeux illégaux. Depuis un an, le régulateur peut prescrire cette mesure directement auprès des fournisseurs d'accès à internet, avec pour conséquence un délai d'action sensiblement réduit.

Jusqu'alors, l'ANJ communiquait peu au sujet des ordres de blocage des sites de jeux illégaux. Souhaitant "attirer l'attention du public sur la dangerosité" de certains sites enregistrant "des audiences particulièrement élevées", elle n'avait en réalité fait exception à ce silence qu'en juillet 2021. À l'époque, ce sont les sites cbet et stake (qui représentaient alors environ 560 000 visites mensuelles en France) qui avaient fait les frais de cette procédure.
Il y a un an, le cadre juridique de cette lutte contre l'offre illégale a néanmoins évolué vers davantage de souplesse. Auparavant, la présidente de l'ANJ devait saisir le président du tribunal judiciaire de Paris. C'est lui qui, dans un délai moyen de quatre à six mois, examinait la requête et rendait une décision de blocage. Mais en mars 2022, cette procédure judiciaire est devenue une procédure administrative : si le juge exerce toujours un contrôle sur les décisions de l'ANJ, l'autorité peut directement prescrire aux fournisseurs d'accès à internet le blocage de l'accès aux sites considérés illégaux, et aux moteurs de recherche le déréférencement de ces derniers.
Cette procédure a donné lieu pour la première fois à un ordre administratif de blocage et de déréférencement en juin 2022. Depuis, ce sont 152 ordres qui ont été prononcés à l'égard de "532 URLs relatives à des contenus illicites de jeux d'argent et de hasard". Il faut dire que depuis la promulgation de la loi, le délai moyen de traitement d'un dossier a été ramené entre un et deux mois.
Aujourd'hui, l'ANJ publie pour la première fois la liste noire des sites soumis à une décision de blocage. Sans surprise, cette liste qui sera actualisée mensuellement fait la part belle aux casinos en ligne. Un rapide survol permet de mettre en lumière quelques noms qui sortent du lot. MaChance, par exemple, s'illustre par son abnégation face aux manœuvres de l'ANJ : entre le 26 septembre 2022 et le 27 février 2023, le site a multiplié les noms de domaine et suscité à lui seul une quarantaine de décisions de blocage. D'autres brillent sur un autre terrain : celui de l'imagination déployée au moment de choisir leur nom. Mention spéciale dans ce registre au RoiJohnny.com et surtout Joël-Robuchon.net.
À propos de tous ces sites, l'ANJ met en avant les risques encourus par l'internaute de passage : captation des données personnelles, fraude aux moyens de paiement, installation de programmes informatiques malveillants, absence fréquente de paiement des gains, absence de mesure de prévention du jeu excessif et du jeu des mineurs, ou encore absence totale de recours judiciaire en cas de litige avec le site. Conscient que sa liste noire n'est pas exhaustive, le régulateur propose par ailleurs aux joueurs de s'associer à sa démarche en lui signalant les sites illégaux qui auraient échappé à son attention.
Casinos en ligne : vers un desserrement de l'étau ?
Auditionnée par la Commission des finances du Sénat le mois dernier, la présidente de l'ANJ avait pour rappel évoqué en ces termes le sujet des casinos en ligne : "La situation est assez atypique. La France et Chypre sont les seuls États à ne pas les autoriser. Une étude est en cours et ses résultats nous permettront prochainement d'identifier de façon plus précise ce que représente l'offre illégale en France. Le caractère addictif de ce type d'offre est en tout cas documenté : en cas de régulation, des garanties supérieures à celles qui existent aujourd'hui seront donc nécessaires. [...] La situation de la France est également particulière du fait du maillage territorial important des casinos physiques. Dans l'éventualité d'une régulation des casinos en ligne, nous estimons que les casinos physiques pourraient souffrir d'une perte d'activité de l'ordre de 30 %".