Découvrez les origines et l'histoire du jeton de poker traditionnel américain, les entreprises qui l'ont fabriqué et nous fournissent encore aujourd'hui.

L'origine des jetons

Bien que l'existence des maisons de jeux soit très ancienne, les jetons tels que nous les connaissons aujourd'hui n'ont pas vu le jour avant le XIXe siècle. Il semble que les premier joueurs de poker aient utilisé toutes sortes de petits objets de valeurs, des pièces de monnaie ou des jetons faits d'ivoire, d'os, de bois, de papier ou encore d'un mélange d'argile et de gomme laque. C'est dans cette dernière forme qu'il faut voir l'ancêtre des jetons traditionnels américains encore utilisés à ce jour dans de nombreux casinos, et communément appelés « clay ». On trouve sur les sites de collectionneurs comme celui de Robert Eisenstadt des exemples de jetons anciens en os, ivoire et divers plastiques de type celluloïd, bakélite ou catalin.

Les premiers "clays"

Entre les années 1880 et la fin des années 1930, de nombreuses manufactures produisaient des jetons à base d'un composé comprenant de l'argile, et proposaient une grande variété de motifs. Les jetons étaient unis et ornés d'un insert central figurant un symbole ou un monogramme.

Au début du XXe siècle, le fabricant de cartes USPC (United States Playing Cards, anciennement United States Printing Company, maison fondée à Cincinnati en 1881), racheta plusieurs de ces entreprises et devint le principal fournisseur des maisons de jeux aux États-Unis.

La Burt Company

Plaskon-1935
Jetons en plaskon marqués à l'emporte-pièce métallique (1935, Burt Company).

La Portland Billiard Ball Company, fondée en 1912 par Alonzo Burt, un ancien employé du plus prestigieux des fabricants de billes de billard Albany Billiard Ball, commença à commercialiser des jetons de poker dans les années 1920-1930. Leurs produits étaient faits soit à partir de plaskon, un plastique réputé pour sa solidité, commercialisé sous l'appellation évocatrice de « breaknot », soit à partir d'un composé ressemblant à de l'argile. Les jetons produits par la Portland Billiard Ball Company étaient à l'origine unis et ne comportaient pas d'éléments graphiques. Ils étaient produits en masse, essentiellement pour le marché des particuliers.

En 1935, la société changea de nom en devenant la Burt Company et mit au point un nouveau procédé d'emporte-pièce métallique pour marquer les jetons, similaire à la frappe à chaud encore utilisée à ce jour (« hot stamping »). Ce procédé permettait de produire des jetons plus difficiles à copier, offrant ainsi plus de sécurité pour les clients.

Clays-1940
Jetons fabriqués par compression à haute température ou « clays » (fin des années 40, Burt Company).

Bien plus que de l'argile

6-Etapes de fabrication
Les étapes de la fabrication d'un jeton traditionnel américain.

L'argile est un composant fragile et il n'a jamais existé de jeton composé à 100% de cette matière. Tout marchand vantant les mérites d'un tel jeton commet au mieux une grossière approximation. Le terme « clay » est aujourd'hui si galvaudé que je lui préfère l'appellation de « jeton traditionnel américain », plus conforme à la réalité. Pour distinguer le haut de gamme de toutes les imitations fabriquées en Asie, de nombreux sites en anglais les nomment « clay, compression-molded ». Ces jetons se définissent par défaut comme n'étant pas faits à partir de plastique. Ils se reconnaissent à leur son et à leur texture particulière. Si on les casse en deux on observe un composé granuleux, contrairement au plastique pur qui est lisse. Ces jetons sont teintés dans la masse et en général lestés par une poudre métallique (Paulson a longtemps utilisé du plomb, tandis que la plupart des couleurs d'Atlantic Standard Molding comportent du cuivre). Chaque fabriquant protège jalousement sa recette, de sorte qu'il est impossible d'en donner une définition chimique. Ils pèsent normalement entre 8,5 et 10,5 grammes.

Le procédé de fabrication par compression à haute température est quasiment inchangé depuis sa création. Ce montage photographique a été réalisé en 1990 par la société Atlantic Molding installée dans le Maine (États-Unis) et montre les différentes étapes de la fabrication d'un jeton moulé par compression à haute température.

7-Assortissements-Jetons-Publicitaires
Assortiment de jetons publicitaires montrant la variété des moules utilisés dans les années 1950-60.

C'est dans la deuxième moitié du XXe siècle que l'on a commencé à intégrer des inserts de couleur sur la périphérie des jetons (edgespots) ainsi que des moules (mold) permettant de graver des éléments en en creux à la périphérie des jetons pour les personnaliser davantage. Le terme « mold » désigne la matrice utilisée lors de la compression et par extension le dessin qu'il produit à la périphérie de la surface du jeton.

Les inserts et les pastilles imprimés

Mold-H
Jeton « H-mold » marqué par frappe à chaud.

Dans le même temps, les motifs centraux du jeton deviennent plus variés et colorés. Les années 50 voient l'apparition des inserts périphériques multicolores et de nombreux moules sur mesure pour les casinos (house mold). Les jetons sont frappés à chaud (hotstamped) ou dotés d'une pastille centrale (inlay). Cette dernière consiste en un disque, généralement blanc, sur lequel sont imprimées le nom et le logo du casino ou du cercle, ainsi que la valeur faciale du jeton.

Mold WIng
Jeton doté d'une pastille imprimée.

La pastille imprimée est recouverte d'une fine couche de vernis transparent ou bien incrustée dans la texture du jeton lors de la thermo-compression, ce qui lui confère une bonne résistance à l'arrachage ou à l'usure et rend la contrefaçon plus difficile.

L'âge d'or des casinos

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Jetons à inserts périphériques multicolores et pastille incrustée (années 1950, Burt Company).

En 1947, La Burt Company achète les machines de fabrication de jetons de la firme USPC, éliminant ainsi son principal concurrent, qui ne jugeait pas l'activité suffisamment rentable après que peu de jetons ont été produits pendant la guerre, faute de matières premières. Par chance pour la Burt Company, c'est à cette époque que Las Vegas prend son essor, offrant un marché substantiel à la société qui équipera de nombreux casinos de la ville. Jusqu'en 1975, elle fournira la majorité des casinos.

TR King
Jeton frappé à chaud, TR King, moule « large crown ».

Le seul autre acteur significatif sur ce marché à cette période est la firme TR King & Company, fondée en 1922 à Kansas City puis installée à Los Angeles au début des années 1930, et qui produira pendant 85 ans des jetons traditionnels, principalement à destination des particuliers, avant de cesser son activité il y a quelques années. Paul Endy, représentant de commerce chez TR King depuis les années 1940, deviendra propriétaire de la société dans les années 1950. Son fils, Paul Endy Jr, fut également employé chez TR King à cette époque, avant de s'en aller fonder une société qui allait devenir la plus prestigieuse de toute l'histoire du jeton : Paul-son. Dennis O'Neil, un employé de TR King, rachètera la société dans les années 1980 avant d'arrêter définitivement la production en 2006. Les TR Kings restent aujourd'hui l'un des fleurons du jeton traditionnel américain, et sont facilement reconnaissables à leurs moules « large crown » et « small crown ».

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Jetons TR King sur le moule « small crown ».

Naissance d'un classique

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Le fameux moule « Hat & Cane ».

Sans conteste le moule le plus connu, le hat & cane, aujourd'hui associé à la marque Paulson, fut créé par Bill Christy et Bud Jones de la Christy & Jones Co dans les années 1950, avant même l'existence de Paulson. Dans un premier temps, c'est la société du Maine Burt Company qui fabriquait ces jetons.

En 1963, Paul Endy Jr., représentant de commerce pour le fabriquant de jetons TR King, démissionne suite au départ en retraite de son père, ancien patron de la société. De passage à Las Vegas, il tombe par hasard sur une petite annonce et rachète une société de fournitures de jeux en faillite. Il fonde Paul-Son Dice and Game Company, qui fabrique et distribue des dés, des cartes et des jetons. Endy acquiert les droits de la matrice « Hat and Cane » mais continue dans un premier temps de faire fabriquer les jetons par la Burt Co.

En 1965, la Christy & Jones périclite, et Bernard « Bud » Jones fonde la Nevada Dice Co., ultérieurement rebaptisée Bud Jones Co. Bud Jones, qui fait également fabriquer ses jetons traditionnels par la Burt Co, se trouve ainsi en concurrence avec le moule mythique qu'il a lui-même créé quelques années auparavant et qui est désormais commercialisé par Paul-Son.

En 1975, Paul-Son construit sa propre unité de production à Las Vegas, et récupère la matrice Hat & Cane.

L'essor de Paul-son

13-BoardWalk
Un Paulson « grand inlay ».

Grâce à une politique d'innovation et de développement commercial, Paul-son domine le marché des jetons aux États-Unis. Endy profite de la croissance du secteur du jeu non seulement dans le Nevada, mais également à Atlantic City à partir de 1978, ou dans réserves indiennes et sur les bateaux de croisière fluviaux, qui ouvrent des casinos suite à la promulgation de la loi « Indian Gaming Regulatory Act » en 1988.

Au début des années 1990 Paul-son met au point un procédé de fabrication de matrices personnalisées qui permet, outre l'inscription du nom du casino sur le pourtour du jeton, des inserts de plus grande taille (grand inlay) imprimés en polychromie. Les graphismes deviennent plus fins et l'on peut y faire figurer des photographies, un procédé qui se généralise avec la vogue des jetons commémoratifs.

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Jetons contemporains utilisés à Las Vegas (Paulson).

Ces dernières innovations sont la réponse de Paul-son à la concurrence croissante des jetons en céramique, qui ont l'avantage de permettre une illustration sur l'ensemble du jeton. Cette course à l'esthétisme s'explique en grande partie par le fait que les jetons deviennent des objets souvenirs pour les touristes, dont certains n'hésitent pas à conserver des exemplaires d'une valeur de 5 voire 25 dollars, ce qui constitue une source de profit non négligeable pour les casinos qui les acquièrent pour environ 60 cents. En 1994, Paul-son est introduit en bourse pour augmenter ses moyens financiers et devient la Paul-son Gaming Corporation. En 1982, une nouvelle unité de production est construite à San Luis au Mexique pour diminuer les coûts et augmenter la capacité de production. Une autre usine plus grande sera construite en 1995. À la mort de Paul Endy en 1999, son fils Eric prend la direction de la société.

En 2001, en proie à des difficultés financières, Paul-Son entre en négociation avec les Établissements Bourgogne et Grasset SA, une société française qui fournit les casinos européens et asiatiques et qui a également acquis depuis peu la Bud Jones Co. Une nouvelle entité appelée Gaming Partners International voit le jour en 2002 et devient le leader mondial du jeton de casino : www.gpigaming.com. Ce rapprochement permet de nouvelles améliorations pour les jetons Paulson, notamment au plan de la sécurité. La firme s'intéresse également de près aux procédés anti-contrefaçon. En 2003, grâce au savoir-faire de Bourgogne et Grasset, Paul-son ajoute ainsi les puces RFID à son catalogue. Depuis quelques années les jetons Paulson ne comportent plus de plomb, jugé dangereux pour les utilisateurs. Leur poids est ainsi passé de 10,5 à 9,5 grammes, mais ils font encore figure de référence. De nombreux casinos de Las Vegas utilisent toujours des jetons Paulson :

L'explosion mondiale du poker et le marché des particuliers

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Exemples de jetons Paulson disponibles pour le grand public.

Avec la popularité grandissante du poker au début du XXIe siècle, la demande de jetons pour organiser des parties privées ne cesse d'augmenter. Le public des joueurs exigeants, habitués des cercles et des casinos, se tourne naturellement vers les jetons traditionnels américains. Les Paulson sont désormais accessibles aux particuliers, via des commandes groupées élaborées sur le forum www.chiptalk.net et distribuées par des sociétés comme Sidepot via son site www.buypokerchip.com ou d'autres revendeurs en ligne comme www.apachepokerchips.com. Les jetons fabriqués pour le marché des particuliers ne comportent plus le moule « Hat & Cane », désormais réservé aux casinos.

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Des jetons ASM, fabriqués pour des particuliers.

En dehors de Paulson, et après la fermeture de TR King en 2006, deux autres sociétés de renom subsistent sur le marché du jeton traditionnel américain : Atlantic Standard Molding (ASM) et Blue Chip Co.

La Burt Company, rebaptisée Atlantic Standard Molding en 1988 lors du rachat de la société par son actuel dirigeant, Jim Blanchard, est toujours située à Portland dans l'état du Maine (http://www.atlanticmolding.com) et distribue ses jetons via le distributeur www.pokerchips.com. Contrairement à Paul-son, cette société propose des séries de jetons en petites quantités (à partir de 300 exemplaires), permettant ainsi à un particulier de créer des jetons uniques et personnalisés pour ses parties privées.

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Répliques BCC des « James Bond », jetons utilisés pour le film Licence to Kill.

En 2001, suite à la mort du fondateur de Paul-son Mike Endy et au moment de la prise de contrôle de Paul-son par le fabriquant Bourgogne & Grasset, son frère Charles crée la Blue Chip Company (BCC), pour perpétuer la tradition familiale. La société, aujourd'hui dirigée par Mike Endy, le fils de Charles, fournit quelques casinos mais s'intéresse particulièrement au marché des particuliers. Naturellement, ces jetons sont très similaires aux Paulson. Les principaux moules de BCC sont le six flame et le T-mold. Des grandes séries sont fabriquées pour le marché des particuliers et distribués par des sites comme www.holdempokerchips.com, www.buypokerchip.com ou encore www.nevadajacks.net. Les plus célèbres sont les James Bond, des répliques d'une série créée par Paulson, ou encore les Viva las Vegas et Fans of cards. Tout comme ASM, Blue Chip propose des jetons personnalisés, avec marquage par frappe à chaud ou insert illustré ainsi qu'une grande variété de combinaisons de couleurs. La personnalisation est accessible via le site www.bluechipcasinochips.com.

Sommaire des articles : Jetons de poker

Histoire des jetons de poker

Découvrez les origines et l'histoire du jeton de poker traditionnel américain, les entreprises qui l'ont fabriqué et nous fournissent encore aujourd'hui.

Les idées reçues sur les jetons de poker

Jetons de poker

Avant toute chose, commençons par tordre le cou à quelques idées qui ont la vie dure.

Vocabulaire relatif aux jetons de poker

Jetons de poker

En matière de jetons comme pour le jeu lui-même, de nombreux termes sont en anglais et certains sont difficiles à traduire. Voici les termes essentiels pour décrire les jetons.

FAQ jetons de poker

Jetons de poker

Les questions fréquentes posées par les amateurs de jetons de poker...

Les jetons en céramique

Jetons de poker

Depuis le néolithique, l'homme utilise la céramique de manière utilitaire. Cette matière malléable et résistante est celle de nombreux jetons de poker.

Répartition des jetons de poker

Il n'y a pas de répartition idéale pour les jetons. Celle-ci dépendra de votre budget, du type de parties que vous envisagez ainsi que des offres des fabricants. Le développement ci-dessous et les exemples ont pour but de vous donner une idée de la démarche à suivre pour déterminer les quantités qui correspondent à vos propres besoins.

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